Date d'ajout : vendredi 04 décembre 2015
par J.-M. COUNET
REVUE : REVUE THÉOLOGIQUE DE LOUVAIN, 2004, 1
Le bon connaisseur de Nietzsche qu'est l'A. a rassemblé dans cet ouvrage quelques articles récents, consacrés à la question de la raison, au statut de la science, du christianisme, du droit, auxquels il a joint une nouvelle étude sur l'éternel retour.
Le propos général est clair : il s'agit de dépasser l'interprétation de Heidegger, qui, en dépit de ses grands mérites, arraisonne la pensée de Nietzsche et ne respecte pas, loin s'en faut, ses ambiguïtés et sa complexité. En faisant de Nietzsche le penseur de la technique, Heidegger donne à penser que la problématique de la science est centrale chez lui. Les lectures de Deleuze et de Klossowsky, de leur côté, négligent des aspects importants de l'œuvre, faisant basculer celle-ci du côté de l'irrationalisme jubilatoire. Or Nietzsche se veut le porte-parole d'un gai savoir où l'argumentation, le raisonnement gardent une place essentielle, même si c'est au service d'une raison transformée.
L'A. s'insurge contre les interprétations réductrices : l'annonce de la mort de Dieu n'empêche pas Nietzsche de rester un penseur religieux où le divin garde toute sa place, la science précipite la chute de l'idéalisme religieux traditionnel, mais c'est pour en proposer une forme plus radicale parce que cachée et laïcisée ; quant au droit, il garde toute sa portée du point de vue des forts eux-mêmes, comme instrument maintenant la distance entre les individus ; enfin, quant à l'éternel retour, il n'est pas à confondre avec le temps cyclique de la philosophie antique.
On ne peut que recommander ce petit ouvrage, remarquablement écrit, à tous ceux qui sont soucieux de rendre ses nuances et ses ambiguïtés à une pensée trop souvent victime de son succès.