Date d'ajout : mardi 24 octobre 2017
par Alain LE BOLLUEC
REVUE DES ÉTUDES GRECQUES, 1980, 93
Le traité Sur la Pâque d'Origène a été rendu au jour grâce à la trouvaille papyrologique faite à Toura, à une dizaine de kilomètres au sud du Caire, en 1941. Le récit de la découverte, et de ses péripéties, dignes d'un roman policier, est fait par Octave Guéraud au début du livre qui permet maintenant de lire et de comprendre l'ouvrage d'Origène. Le même rouleau de papyrus contenait l’Entretien d'Origène avec Héraclide, publié en 1949 par Jean Scherer. L'édition du Peri Pascha était rendue difficile par l'état du manuscrit ; les trois quarts de ses pages sont très mutilées. O. Guéraud, conservateur au Musée égyptien pour la section gréco-romaine au moment de la découverte, avait fait une copie du papyrus, et travaillé à la reconstitution du texte. La collaboration entre les deux auteurs de l'édition présente a commencé dès 1951. Pierre Nautin a mené à son terme l'entreprise consistant à éprouver la valeur du texte du papyrus, à tirer parti des fragments connus par Procope de Gaza et par les chaînes, à éclairer la signification historique et théologique de ce traité sur la Pâque. Point n'est besoin d'insister sur la maîtrise scientifique dont témoigne ce livre. Il suffit de se rappeler quelques-uns des ouvrages de P. Nautin, son Origène (1978), ses éditions des Homélies sur Jérémie d'Origène (Sources chrétiennes 232 et 238), du commentaire de Didyme Sur la Genèse, traité trouvé lui aussi à Toura (S. C. 233 et 244, avec la collaboration de Louis Doutreleau ; voir le compte rendu de M. Harl dans REG XCII, 1979, p. 282-284), de l'homélie du Ps.-Hippolyte Sur la Pâque (S. C. 27), pour être assuré qu'on est en présence du travail majeur sur ce nouveau texte.
Après la description paléographique, un examen critique très minutieux et riche d'enseignements méthodologiques permet de conclure que le « diorthote » dont l'intervention est visible « n'avait pas de modèle mais a corrigé par conjecture », souvent à bon escient d'ailleurs. Les autres témoins du texte, fragmentaires ceux-là, sont étudiés ensuite : certaines chaînes grecques sur l'Octateuque, Procope de Gaza, dans son commentaire de l'Octateuque et des Rois composé, vers 530, de passages tirés des pères, et cousus ensemble sans indication de provenance (P. Nautin donne la première édition des douze citations du Peeri Pascha, et les compare au texte du papyrus), Victor de Capoue, cité par la chaîne latine de Jean Diacre. Tous les éléments sont alors en place pour reconstituer l'histoire du texte, et préciser les rapports entre les différents témoins. Les conclusions de P. Nautin amorcent déjà un débat avec les spécialistes des chaînes et ouvrent des perspectives nouvelles.
Le traité d'Origène lui-même est difficile ; aussi l'édition critique du texte grec et sa traduction sont-elles précédées d'un commentaire historique qui situe l'ouvrage à la fois dans les controverses antiques sur la date et la signification de la Pâque, et dans la carrière de l'auteur, et d'une analyse détaillée, constamment éclairée par des références aux autres œuvres d'Origène et à celles de ses devanciers. Le lecteur trouve dans ces développements et dans les notes qui accompagnent la traduction les explications nécessaires quand il suit les détours de ce traité aujourd'hui révélé, traité important à maints égards, non seulement par l'interprétation chrétienne donnée de Exode 12, 1-11, mais par les réflexions d'Origène sur la nature et le sens des Écritures, par sa théologie morale et spirituelle, tout entière nourrie d'exégèse biblique.
Le livre se termine par un Index, passages scripturaires d'abord, puis mots grecs.