Date d'ajout : mardi 23 mai 2017
par Camille BÉRUBÉ
COLLECTANEA FRANCISCANA 63, 1993
Francis Ruello, collaborateur d'André Combes dans la publication des œuvres de Jean de Ripa, continue cette entreprise d'une envergure exceptionnelle par la publication d'un résumé des 48 Distinctions de la Lectura super librum primum sententiarum. Le seul Prologue occupe 62 folios et 814 pages, a déjà été publié. La suite continue jusqu'au folio 244. On ne pouvait donc qu'extraire l'essentiel sous la forme d'un résumé. Une présentation en italique précède le résumé, et les notes au bas des pages renvoient aux sources citées dans le texte.
La partie la plus considérable de l'introduction expose La fortune de Jean de Ripa. Les recherches faites depuis 1925 témoignent d'un intérêt croissant de l'œuvre de Jean de Ripa dans l'histoire de la théologie spéculative, non seulement médiévale mais contemporaine, sur la connaissance des relations entre les personnes divines ainsi qu'avec les êtres spirituels créés, par la connaissance et l'amour. La théorie de Jean est que la Trinité opère une immutation vitale dans les esprits créés, sans les informer.
Le traité de Jean Gerson, chancelier de l'université de Paris, Contra vanam curiositatem, imputée aux "Formalizantes" dont Jean de Ripa est le type, a rendu celui-ci célèbre dans l'histoire de la théologie, mais Zénon Kalluza a montré que, "par la pesanteur de la routine nominaliste, Gerson a mené pendant trente ans la lutte contre un adversaire imaginaire" (p. 13). André Combes et Paul Vignaux ont montré que le théologien Ripa, qualifié par Gerson de Doctor supersubtilis, visait la tradition péripatéticienne, spécialement celle d'Averroès et de Thomas Bradwardine. Celui-ci soutenait que l'immensité divine résulte de la présence nécessaire et essentielle de Dieu au monde réel, d'où il résulterait que l'intellect d'une nature rationnelle puisse avoir une connaissance théologique claire et intuitive en lumière naturelle. Vignaux constate que Ripa trouve dans la tradition péripatéticienne, spécialement chez Aristote et Averroès, une doctrine selon laquelle l'essence divine peut être forme béatifique sans informer, c'est-à-dire sans communiquer son être, sans inhérer, uniquement en immutant d'une façon vitale, sans constituer une sorte de salut philosophique (16),
Notre théologien l'expose longuement et subtilement dans ses quarante-huit Distinctions, et dans les Determinationes qu'il apporte contre les objections qu'on lui fait. Ruello explique que la réponse aux questions posées suppose non seulement une théologie fondée sur la Révélation et une épistémologie différente de celles des théologiens d'Oxford et de Paris, mais aussi un habitus theologicus autre que celui de la foi pour saisir les conclusions nécessaires qui découlent des vérités révélées, anticipant en une certaine mesure l'évidence qui en sera donnée dans la vision béatifique.
Ruello n'épargne rien qui puisse faciliter l'intelligence de son texte : introductions en italique, notes au bas des pages, et une table analytique de chacune des quatre divisions des quarante-huit distinctions. De plus, qui s'intéresse à l'histoire de la spiritualité trouvera, dans les textes de Ripa, une ample matière à la réflexion personnelle sur les mystérieux rapports de l'esprit avec Dieu dans cette vie et dans la vie bienheureuse.