Date d'ajout : dimanche 21 février 2016
par M. FOKET
REVUE : REVUE THÉOLOGIQUE DE LOUVAIN, 31,4, 2000
« Elles sont toutes les deux normandes, filles du vent, de la pluie et d'une société provinciale qui n'avait guère dû changer dans le bout de siècle qui les sépare dans le temps. L'une est une pécheresse qui aurait voulu devenir une sainte et l'autre, une sainte qui, de son propre aveu, aurait pu être une grande pécheresse » (p. 6) : Emma Rouault et Thérèse Martin. Deux modèles de femmes opposées ? Pas autant qu'on pourrait le croire. En effet, animés d'une folle exigence d'Amour aussi incompatible, au XIXe siècle, avec l'esprit du carmel qu'avec le mariage, refusant la banalité et l'ennui, se dressent tant le bovarysme que la mystique thérésienne. Révoltes passives de ces deux femmes qui tirent leur force de leur faiblesse tout en rêvant d'actions héroïques. Fureur d'un vouloir vivre au point d'en mourir. Tant dans les domaines de l'amour que du désir, elles se ressemblent comme des jumelles « inversées » : « Thérèse érotisa un Dieu trop sévère pour sa nature sensible ; Emma chercha désespérément un amour d'essence divine chez de simples hommes. Chacune fut une terrible affamée d'Amour pour transcender l'ordre inacceptable des choses » (p. 286).
L'intuition originale et féconde de M. Hermine rapproche Thérèse et Emma sur la base « de l'air de leur temps » dans lequel chacune à sa manière « fait grincer 'l'art féminin du temps' » (p. 8). Mais l'auteure n'en reste pas là car elle introduit deux autres personnages, deux artistes : d'abord Flaubert dont le rapport avec l'Art est celui d'une ascèse pénible mais marquée aussi par des sommets mystiques. On retrouve chez lui des tonalités du Cantique des cantiques (cfr p. 288) ; ensuite Dieu, omniprésent dans l'œuvre et pour qui rêve et réalité se conjuguent. Ce livre sort des sentiers battus et « vaut le détour »