Date d'ajout : lundi 09 novembre 2015
par N. E.
REVUE : IRENIKON 1, 2, 1999
L'ascétisme syrien est très ancien dans l'Église. L'A. de la présente étude reprend avec minutie tout le dossier de ses sources, au centre les Fils et Filles du Pacte, « ancêtre direct du monachisme classique » (p. 28). Quelle que soit la signification du mot qyama (pacte, alliance, vœu, résurrection, station), ce groupe ascétique était l'élément actif de l'Église syrienne. On entrait dans le Pacte par le baptême sans que celui-ci impliquât obligatoirement l'ascétisme : position modérée proposée par l'A. contre la position radicale de Burkitt ou de Voobus. Les candidats au Pacte se recrutaient dans ce que l'A. appelle « l'encratisme familial » (p. 44). Si ce premier ascétisme disparaît progressivement à partir du Ve siècle, il reste que le monachisme syrien en est l'héritier dans sa spécificité propre, car il n’est nullement né sous une influence égyptienne. L'Église syrienne a eu dans son ensemble une tendance ascétique. C'est ce qui explique, par exemple, le messalianisme. Le chrétien syrien, en quelque sorte, a le monachisme dans le sang. « La séparation entre simples chrétiens et moines n'est pas évidente » (p. 134).Plus qu'en d'autres régions, peut-être la conversion au christianisme est souvent une conversion à l'ascétisme. A partir de ces données, l'A. analyse longuement les modalités et les motivations de l'engagement dans la vie monastique (pp. 125-185), il examine les moyens de subsistance de ce monachisme réticent devant le travail et donc dépendant non du clergé séculier ou des largesses impériales, mais des fidèles laïques auxquels il est intimement lié et qu'il évangélise et dont il est le soutien spirituel. Deux chapitres sont consacrés au sacerdoce monastique et à la mainmise des moines sur l'épiscopat. Si une telle évolution est vérifiable pour d'autres régions, très tôt pour l'Irlande, les Gaules, l'Angleterre, phénomène qui s'est généralisé en Orient, les modalités en sont très différentes en Syrie. Il reste la question de « comprendre comment l'intervention des moines dans les conflits dogmatiques a pu amener la désagrégation de l'Église : l'Église du patriarcat d'Antioche a bel et bien éclaté en morceaux en l'espace de deux siècles » (p. 347). Leur rôle militant, contestataire de l'Église institutionnelle, est incontestable, fanatisme et violence non exclus. Cette enquête, émaillée de nombreux faits concrets, a été menée avec compétence, et l'A. apporte un éclairage nouveau sur un domaine aussi vaste que complexe. On aurait pourtant aimé mieux voir apparaître le caractère proprement charismatique et évangélique de ce mouvement monastique.