Date d'ajout : lundi 25 janvier 2016
par Jacques DAGORY
REVUE : TRAJETS, 2, 1997
Avec la vogue actuelle des sentiments de religiosité, les expériences couramment rattachées au mysticisme traduisent une réalité complexe et ambiguë ; il convient de les passer au crible et de n'en retenir que celles qui se révèlent authentiques. Le Révérend Père Pierre Miquel, ancien abbé de Ligugé, est particulièrement qualifié pour rappeler et préciser les critères applicables en ce domaine si délicat : c'est le propos de son dernier ouvrage.
Considérée d'abord dans son objet, la mystique est distinguée de la théologie, de la métaphysique et de la poésie, bien qu'elle entretienne des rapports avec ces activités parallèles. II apparaît, de plus, que le Dieu des mystiques est moins l'Être absolu en soi que, même toujours inconnu et caché, le Dieu de relation, celui que l'âme, à l'image de Marie, mère de Dieu incarné, et par la grâce de cette incarnation, est appelée à enfanter, à faire naître spirituellement en elle-même. Entendu ensuite dans son sens plus précis de qualité personnelle, le discernement, s'il implique des compétences psychologiques et doctrinales, est surtout un charisme, un don divin, permettant de juger d'un état ou d'une étape dans la vie intérieure d'un sujet mystique. Celui-ci doit équilibrer en lui le combat spirituel et le désir de Dieu en s'opposant à l'égoïsme des convoitises. C'est ici que se multiplient les risques, les excès et les dangers de la mystique : dolorisme masochiste dans l'ascèse, dérives érotiques de l'amour, état d'esprit intégriste, vertiges des profondeurs de Dieu et de l'homme, tentations diverses de subjectivisme religieux, goût du merveilleux tout différent de la grâce de l'émerveillement. Enfin, dernier point abordé, la prière mystique, utilisant un langage imagé et paradoxal, peut suivre plusieurs méthodes de spiritualité, mais tend finalement à devenir continue et quasi inconsciente.
La présentation des questions successives par l'auteur sait rester simple et claire, délibérément résumée et ramenée à l'essentiel. Elle fait une large place à des textes de référence, cités en grand nombre, reproduits et commentés à titre d'exemples, de preuves, de témoignages. En dehors de mentions scripturaires de, selon la foi chrétienne, sa condition véritablement divine, sous-jacente à son existence pleinement humaine, permet aux hommes de participer à la vie de Dieu ?