Date d'ajout : lundi 09 novembre 2015
par Jean S�GUY
REVUE : ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS, septembre 2004
L'ouvrage ici présenté traduit, avec Introduction et notes explicatives, le De Vila lnclusarum (XVe siècle). La présence de cette lecture de dévotion dans le présent Bulletin bibliographique peut surprendre. Elle procure l'occasion de signaler à nos lecteurs sociologues ou historiens du christianisme que l'inclusat, que beaucoup tenaient pour disparu il n'y a guère, vit toujours au XXIe siècle. Les notes, l'Introduction, l'Avant-Propos rappellent d'ailleurs brièvement les étapes notoires d'une histoire de la vie érémitique (solitaire ou communautaire) en Occident, depuis Romuald de Ravenne, fondateur en première moitié du XIe siècle et dans les Apennins de l'ordre des camaldules : celui-ci - peu prospère mais qui existe toujours combine l'érémitisme collectif et l'érémitisme d'individus isolés, auquel s'ajoute le reclusat. On le sait, l'histoire de l'érémitisme collectif se poursuit - après la fondation romualdienne et une cinquantaine d'années plus tard - par la création de l'Abbaye de la Grande Chartreuse et de l'ordre (masculin et féminin) des chartreux. Par certains de ses aspects et au XIe siècle, le désir réapparu alors, et en Occident, de solitude érémitique constitue une protestation - cela se vérifiera aussi dans la naissance de Cîteaux et de l'ordre cistercien - à l'encontre de Cluny et de ce que certains nomment alors son « affadissement spirituel »,
La traduction de l'opuscule de l'auteur, écrit à la demande et à l'usage d'une recluse (anonyme), ainsi que l'histoire postérieure des rapports entre camaldules, chartreux, ermites et recluses de toutes descriptions, nombreux alors, témoignent que, même réduite au simple échange de correspondances de direction ou d'écrits dévotionnels, la solitude volontaire apparaît susceptible de créer du lien social. Ceci ne devrait pas être oublié : il existe des groupements d'individus à distance unis par la seule finalité qu'ils se proposent et susceptibles de modes variés - parfois fort légers - d'organisation, G. Gurvitch avait en son temps évoqué cette possibilité (cf. La Vocation de la sociologie, Paris, PUF, 1957, LI, p, 316 et passim).
On trouvera, à la suite du Livre de la vie des recluses, une courte anthologie (c'est le « dossier » évoqué par le « sous-titre ») de textes ou d'extraits de quelques auteurs médiévaux ayant traité du reclusat. L'Introduction et les indications bibliographiques dispersées dans l'ouvrage indiquent aussi des noms de recluses ou de reclus contemporains. On le constate en l'occurrence, l'individualisme de la piété n'est pas d'aujourd'hui : il a une histoire, au passé comme au présent. Une parution récente (Eloge de l'enfouissement, par un ermite camaldule ; présenté par L.-A. Lassus, o.p., Paris, Parole et Silence, 2002) démontre par sa seule existence que l'attrait pour le silence et la culture d'un individualisme radical persiste dans le cadre du catholicisme contemporain.