Date d'ajout : lundi 25 janvier 2016
par BULLETIN CRITIQUE DU LIVRE FRAN�AIS, septembre 2000
Père abbé de l'abbaye bénédictine de Ligugé de 1966 à 1990, dom Pierre Miquel a séjourné au mont Athos, visité des monastères coptes en Égypte, orthodoxes en Russie, catholiques en Afrique. Expert en vie monastique, il livre ici le témoignage de son expérience. Il évoque d'abord les divers aspects de la vocation, examinant les critères qui permettent d'en vérifier l'authenticité. Ce sont surtout le cadre et le temps vécu du monachisme qui le retiennent : le désert comme lieu géographique, historique et théologique, et la stabilité comme vœu spécifique du bénédictin. Les attitudes spirituelles du moine, en particulier « la paix bénédictine au-delà du rire et de la tristesse », la vie monastique comme « angélique », c'est-à-dire exerçant le ministère de la louange par la liturgie, du service par la relation aux frères et de la mission par l’accueil, et comme eschatologique c'est-à-dire symbolique des derniers temps, constituent l’objet principal du livre. Celui-ci est souvent technique, définissant le moine comme « hésychaste » (le silence comme signe de la paix intérieure) et « neptique » (sobre), rappelant les genres littéraires monastiques (les « centuries » par exemple, ou sentences lapidaires) et les pratiques telles la collatio spirirualis. La cinquième partie est peut-être celle qui retiendra davantage le lecteur non averti car elle procède à des comparaisons entre communautés monastiques et communautés nouvelles, et ce sans concessions ni pour les unes ni pour les autres : les premières « ne se cramponnent-elles pas à des valeurs pseudo-médiévales doublement anachroniques ? » ; les secondes n'exposent-elles pas leurs membres à l’oppression d'un « gourou » par absence de constitution ? Les communautés intégristes sont stigmatisées avec vigueur, mais l'auteur s’insurge aussi contre le « monachisme dilué ». La méthode s'inspire du genre littéraire des « centuries » et recourt largement aux citations : la Bible, les Pères du désert, les contemplatifs, mais aussi Gandhi, les Lumières ou Feuerbach, car la critique du monachisme n'est pas absente du volume. L'ordre des chapitres ou celui des paragraphes laisse souvent le lecteur perplexe : on passe ainsi sans transition de « La psychanalyse de la clôture » à « Anachorètes et cénobites ». Cela peut créer une impression d’inachèvement et de dispersion. S'il est de meilleurs ouvrages de P. Miquel, celui-ci offre de belles formules et des raccourcis saisissants.