Date d'ajout : mercredi 11 novembre 2015
par H. JACOBS
REVUE : NOUVELLE REVUE THÉOLOGIQUE, 4, 1997
Une comparaison s'impose entre le plus grand témoin d'une mystique naturelle et le plus illustre représentant de la mystique surnaturelle. Elle n'avait pourtant, jusqu'à ce jour, été que rarement tentée. Malgré les difficultés, A.B. lui consacre une importante étude, ramenant toutefois la confrontation aux seuls rapports de l'âme avec Dieu. Il est vrai que, malgré des projets distincts, les deux auteurs entendaient l'un et l'autre conduire leurs disciples à l'union divine. A.B. commence par une brève présentation des deux penseurs, de leur doctrine, de leur œuvre, et par résumer les éléments d'une comparaison entre Plotin et le christianisme et le problème de son influence dans l'Occident chrétien. Il en vient alors à saint Jean de la Croix. Les nombreuses similitudes que l'on découvre entre le fondateur du néoplatonisme et le docteur du Carmel laissent-elles entendre que Jean de la Croix ait lu Plotin, dans le texte ou en traduction ? On peut le penser, mais il ne s'agit là que d'une hypothèse simplement probable, que l'on ne pourra sans doute jamais démontrer. Dans l'une et l'autre œuvre se découvrent des signifiants semblables. Mais visent-ils les mêmes signifiés ? Pour répondre à cette question, l'A. conduit une analyse minutieuse, solidement enracinée dans les textes et leur terminologie. Une même soif du divin se manifeste chez l'un et chez l'autre, mais les contextes historiques et culturels apparaissent bien différents. Certes les ressemblances ne manquent pas, mais elles ne peuvent faire oublier que chacune des deux œuvres possède son génie propre. Jean de la Croix introduit dans un monde qui demeure impensable pour Plotin, celui du surnaturel. Métaphysicien, avide d'absolu, Plotin part de la rationalité et la dépasse dans une mystique seulement philosophique, se mouvant au seul plan de l'intelligibilité. Spirituel, Jean de la Croix n'a pas d'autre but que de porter l'union habituelle avec Dieu à son plus haut degré d'intensité. Sa mystique est théologale, laissant de côté une démarche de pure philosophie. Aucun dialogue entre l'Un et l'âme chez Plotin, alors que la prière forme la trame de toute la pensée de Jean de la Croix. L'Un plotinien est découvert au terme d'une quête strictement humaine, tandis que le Dieu de Jean de la Croix ct le Christ dévoilent la vie divine en son intimité et nous y introduisent. Les différences entre les deux mystiques s'accumulent donc pour se résumer dans la plus radicale d'entre elles : l'absence du Christ chez Plotin. Si Jean de la Croix s'est inspiré de Plotin, il n'a en rien été plotinien.