Date d'ajout : mercredi 11 novembre 2015
par J.-M. COUNET
REVUE : REVUE THÉOLOGIQUE DE LOUVAIN, 4, 2000
Beaucoup de choses séparent Plotin, philosophe païen du IIIe siècle de notre ère, et Jean de la Croix, carme du XVIe siècle, considéré comme le principal théoricien de la mystique chrétienne. Beaucoup, mais pas tout, car Plotin est lui aussi incontestablement un mystique et nous retrouvons sous sa plume bien des thèmes ou des descriptions des états de l'âme humaine pour lesquels il existe des correspondances étonnantes chez Jean de la Croix. Jean a-t-il lu Plotin ? La chose n'a rien d'impossible car Jean a fréquenté l'Université de Salamanque où les cours étaient ouverts à l'influence néoplatonicienne. Les Ennéades traduites par Ficin se trouvaient à la bibliothèque de l'Université. De plus Jean de la Croix sera pendant seize mois recteur du Collège d'Alcala (1571-1572) où la même traduction est à l'honneur.
On n'a malheureusement aucune certitude à cet égard, car les papiers personnels de Jean antérieurs à 1578 ont disparu lors de l'épisode du cachot de Tolède. L'A. est intimement persuadé qu’il y a eu influence directe et s'efforce de le montrer par une étude thématique comparative. Il présente de larges aperçus doctrinaux des deux auteurs étudiés, notamment sur Dieu, le mal, l'âme, l'extase et l'union, mais sa comparaison reste, en dépit de ses efforts, assez extrinsèque et le lecteur n'est pas entièrement convaincu, d'autant plus que saint Augustin, le pseudo-Denys auxquels Jean de la Croix doit beaucoup, et d'autres penseurs néoplatoniciens chrétiens, pourraient expliquer bien des similitudes entre Jean de la Croix et Plotin, sans qu'il faille admettre pour cela une influence directe.
L'auteur pose pour terminer la question de la pertinence de la distinction entre mystique naturelle et mystique surnaturelle, car qu'est-ce que Plotin a effectivement expérimenté, sinon l'union avec le Dieu unique ? Mais là aussi Augustin a écrit beaucoup de choses intéressantes que l'auteur ne prend pas suffisamment en compte.