Date d'ajout : dimanche 20 septembre 2015
par BULLETIN CRITIQUE DU LIVRE FRAN�AIS, 2002
Dixième volume de la collection « Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine », fruit de la collaboration d'une quarantaine d'auteurs placés sous la direction de Jean-Pierre Chantin, l'ouvrage Les Marges du christianisme: sectes, dissidences, ésotérisme se présente comme un instrument de recherche en science religieuse. Il est consacré à tous les personnages ou mouvements qui, à un moment donné de leur histoire, se sont trouvés en rupture avec les confessions chrétiennes établies, la rupture étant un critère plus facilement repérable pour le catholicisme que pour le protestantisme. Cette « nébuleuse d'hétérodoxies » recouvre, selon le sous-titre, « sectes, dissidences et ésotérisme ». Le cadre chronologique s'étend de 1800 (avec certaines incursions au XVIIIe siècle) à 1970, laissant le lecteur perplexe : quelle pertinence ces dates confèrent-elles à une recherche qui ne prend en compte ni les deux guerres mondiales ni le phénomène de mondialisation ? La justification apportée par Pierre Vignot : « un volume placé entre la fin du bouleversement révolutionnaire et le début de cette recherche diffuse, dans le monde occidental, d'une spiritualité qui sort des références chrétiennes » (p. XIII) paraît pour le moins rapide. Autre sujet de perplexité, l'ouvrage cite des personnages pour le moins hétéroclites : les uns sont célèbres soit par leur pensée et leur action, tels Lamennais, Charles Fourier ou Loisy, soit parce qu'ils ont récemment défrayé la chronique de la lutte contre les sectes, tel Gilbert Bourdin, fondateur de la cité du Mandarom, théoricien de l'Aumisme ; d'autres sont des visionnaires dont l'audience resta limitée, tel Israël Bonjour, fils de l'abbé François Bonjour, lui-même fondateur d'un groupe millénariste, les Fareinistes, et qui présenta son fils comme le nouvel Élie, le Paraclet. Les notices sont souvent purement événementielles. Sans doute une série d'introductions tente-t-elle de donner quelques fils conducteurs pour s'orienter dans le maquis de ces personnages. « Succession apostolique » et petites Églises sont présentées par B. Vignot avec arguments théologiques à l'appui. R. Ladous cherche les lieux de convergence entre le protestantisme central et ses marges sectaires. P. Cabanel étudie les essais de religion laïque au XIXe siècle, saluant l'œuvre de F. Buisson dont le plus beau traité religieux est l'article « Prière » dans son Dictionnaire de pédagogie. Une place à part doit être faite à l'excellente introduction de J. Maître pour les « mystiques visionnaires » (p. XXXV-XLIII), où il établit une périodisation des types de mystique-visionnaire selon les péripéties de l'espérance royale. Il reste que l'unité du propos n'apparaît guère car les auteurs semblent guidés par des préoccupations trop diverses : intérêt théologique pour la contestation des dogmes, recherche historique sur différentes formes de déviance religieuse, fascination pour des marginaux illuminés oubliés de l'Histoire.