Date d'ajout : mardi 31 mars 2015
par Philibert SECRETAN
REVUE : CHOISIR n° 663 mars 2015
Etrange livre que cet hommage à Pierre Gisel, ancien professeur et doyen de la Faculté de théologie de Lausanne, convertie en Faculté des sciences religieuses. Un livre composé de sept propos, tous fort savants, centrés sur les sciences humaines - psychologie, sociologie culturelle, anthropologie, histoire, etc. - et dont Christian Grosse décrit l'émergence comme sciences de la religion au XIXe siècle.
Ces « morceaux » (comme on dit en musique) sont tous composés par des amis auxquels Pierre Gisel répond avec une attention soutenue, et toujours sur ce ton de connivence qui vaut entre gens de bonne compagnie. Cela donne quelque chose d'hyper-intellectuel, avec des moments assez cocasses, comme les considérations de Raphaël Rousseleau où se rencontrent, autour du thème de la danse cosmique, hindouisme, New Age et Nietzsche. Mais en général un nuage de science recouvre ce terrain, d'où la théologie - marquée du sceau d'infamie de l'onto-théologie - a été évacuée au profit de « l'anthropologie et de la considération des cultures prémodernes ». La religion y est examinée au scalpel, et la modernité y tient lieu de référence pour déterminer la validité des diverses démarches. Reste alors, de l'aveu même de Pierre Gisel dans sa conférence d'adieu à l'Université (à lire en fin de volume), que « l'arrière fond sera celui d'une "brisure de l'être" (ce qui ne veut pas dire chez moi, que la question de Dieu soit ultime et commande à une organisation d'ensemble) dans laquelle s'installer et dont partir en vue d'une instauration ou d'un surgissement propre, hétérogène et renvoyant à hétérogène. Le mode en est transversal et l'effectuation subversive. (…) Et l'on aura compris que ce qui est en jeu n'est assignable à aucun lieu circonscrit pour lui-même ni à aucune discipline définie pour elle-même. » Etrange ouvrage, en effet !