Date d'ajout : mardi 03 octobre 2017
par Jean-Claude SCHMITT
ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS, 60,2, 1985
Le quatrième tome (sur sept prévus) de cette histoire universelle de la Bible est l'œuvre collective de vingt-trois historiens. Le titre indique le propos de l'ouvrage : étudier comment une culture, une société tout entière, et pendant huit siècles (du VIle au XVe siècle principalement) a fabriqué, utilisé, imité ou gauchi le Livre qui leur servait de fondement idéologique. D'où un plan en quatre parties :
1) le livre dans la matérialité du texte - copié, glosé, traduit - avec notamment quelques très belles études de chercheurs américains (L. Light, M. et R. Rouse) ; 2) l'étude de la Bible, dans les monastères, les écoles, les universités, et aussi - tranchant sur l'orientation « chrétienne » de tout l'ouvrage - dans les milieux rabbiniques (par l'historien israélien A. Graboïs) ; 3) les usages sociaux de la Bible (« Vivre la Bible ») : la Bible comme texte normatif servant à légitimer et à contrôler les relations sociales et les comportements (droit canonique, coutumiers monastiques, et même vie politique) ; la Bible comme recueil de modèles pour la pastorale de l'Église, et notamment, il partir du XIIe siècle, la prédication destinée aux laïcs. Mais, destinataires du message de l'Église, ces derniers tentent aussi de s'emparer du Livre, d'en divulguer des versions apocryphes (article de E. Bozoky), de le traduire en langue vulgaire, de prêcher. Cette pression de la société laïque fait l'objet de la quatrième et dernière partie de l'ouvrage (« Bible et nouveaux problèmes de chrétienté »), avec des contributions sur l'argent et le commerce en quête de légitimation scripturaire (L.L. Little), l'usage de la Bible dans les confréries (A. Vauchez) et les hérésies (R.E. Lerner). Deux axes de réflexion ont en effet commandé l'organisation de ce très riche ouvrage : le Livre comme objet de pratiques sociales différenciées et parfois antagonistes ; le Livre dans sa matérialité, et pas seulement comme contenu « désincarné ». Ajoutons que l'ouvrage comporte aussi une riche bibliographie (231 titres) et de nombreux tableaux très éclairants (par exemple sur la part prise par les différents ordres du clergé à l'exégèse universitaire du XIIIe au XVe siècle), et plusieurs index. Espérons que tous les ouvrages de la série sauront concilier comme celui-ci l'extrême richesse de l'information et le caractère stimulant de la réflexion.