Date d'ajout : mercredi 19 août 2015
par Denis PELLETIER
REVUE : REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, avril 1999
Ce petit livre regroupe cinq communications consacrées au « coreligionnaire étranger », autre manière d'« observer, dans le champ religieux, les relations entre le lien confessionnel et l'identité culturelle et nationale », ainsi que l'écrit Michel Lagrée. Il s'agit donc d'un travail sur la construction des images de « l'autre », mais d'un autre proche, quand l'appartenance à la même confession vient corriger l'écart des traditions nationales. Rome (J.D. DURAND), l'Espagne (J. M. CUENCA TORIBIO), les catholiques suisses (F. PYTHON) et allemands (C. MAURER), les luthériens suédois enfin (C. CHANEL) : autant d'exemples où l'image du coreligionnaire français se construit à partir de conjonctures nationales spécifiques - même si Rome, en l'occurrence capitale de la chrétienté plus qu'elle n'est italienne, s'inscrit de manière originale dans la problématique de l'ouvrage. Contre la vieille psychologie des peuples, il n'y a donc pas d'archétype international, mais autant de constructions que de conjonctures, et des représentations qui, chacune, s'enracinent dans une perception subjective des équilibres religieux et politiques. Le cas du luthéranisme suédois est ici probant : un événement historique remarquable - la fondation en 1626 d'une chapelle luthérienne suédoise au cœur de Paris - permet au confessionnalisme majoritaire en Suède de revendiquer une relation privilégiée avec les luthériens français, cependant que le « huguenot » français fournit aux libéraux et aux évangéliques le modèle d'une foi capable de transcender les clivages confessionnels et de résister aux pouvoirs en place. En Allemagne, la rationalisation du système caritatif au tournant du siècle se nourrit d'un modèle français - la France, « pays classique de l'amour », écrit en 1868 Georg Ratzinger avant de revendiquer son autonomie au lendemain de la Première Guerre mondiale, pour des raisons où se mêlent la fierté nationale et l'écart qui sépare les constructions de l'État social de part et d'autre du Rhin. Transferts culturels, représentations collectives, relais et canaux de l'information sur le coreligionnaire étranger sont au cœur de cet ouvrage dont la remarquable préface de Michel Lagrée souligne et éclaire la nouveauté et la fécondité.