Date d'ajout : mardi 23 mai 2017
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REVUE DES CERCLES D'ÉTUDES D'ANGERS, novembre 1978, 2
Disons tout de suite que cet ouvrage n'est pas une biographie de saint Jean-Baptiste de La Salle. Il fera cependant partie des travaux indispensables à l'auteur futur d'une biographie complète - et que nous souhaitons prochaine - du personnage. A ce sujet, si les auteurs reconnaissent que « la biographie critique indispensable fait toujours défaut », on a pu tout de même affirmer que le fondateur des Frères des Écoles Chrétiennes, « grâce à des efforts nombreux et méritoires, se trouve peut-être aujourd'hui un des mieux connus parmi les fondateurs d'ordres ». En attendant qu'il nous soit donné de connaître encore mieux sa vie, les notes et la bibliographie du livre que nous présentons fournissent généreusement les références à tout ce qui existe d'essentiel dans le domaine biographique proprement dit.
Ce sont donc principalement les deux sous-titres qui doivent retenir l'attention du public intéressé et qui, du reste, laissent clairement entendre le propos des auteurs, un Français et un Cubain, tous les deux Frères des Écoles Chrétiennes et, ce qui est plus nouveau et plus significatif, « professeurs de théologie ». Ceux-ci nous préviennent, avant même qu'on ait ouvert le livre, que « Jean-Baptiste de La Salle est mieux connu comme éducateur populaire que comme maître spirituel » et qu'ils se proposent de remédier à cet état de choses. Le fait même que cet ouvrage fasse partie de la « Bibliothèque de Spiritualité » où il voisine, entre autres, avec des études sur trois autres « saints Jean » (l'Évangéliste, saint Jean de la Croix et saint Jean Bosco) et un simple coup d'œil sur la Table des Matières soulignent parfaitement l'intention des auteurs. Il suffit, pour s'en rendre compte, de lire les titres insistants des trois parties de leur travail : I. Gratifiés par Dieu de dons spirituels pour annoncer l'Évangile aux pauvres. II. Envoyés pour annoncer l'Évangile aux pauvres par l'œuvre des écoles gratuites. III. Une fraternité suscitée par Dieu pour annoncer l'Évangile aux pauvres.
S'inspirant des directives conciliaires « Perfectae Caritatis » sur la recherche de « l'esprit des Fondateurs et leurs intentions spécifiques », les auteurs ont voulu « rejoindre authentiquement l'intention spécifique et l'esprit de Jean-Baptiste de La Salle au moment où les mutations du Monde et de l'Église obligent l'Institut à reconsidérer les formes de son apostolat et de son existence communautaire ». Nous avons là les deux idées essentielles du livre : d'une part « la fidélité au charisme originel et... un ressourcement fondamental », mais aussi « de nouveaux approfondissements d'un message spirituel dont l'actualité paraît souvent brûlante, en dépit des différences de situation, de probl6matique et de langage entre le grand siècle et ce dernier quart du XXe siècle ».
Cet essai de confrontation entre les vues explicites du fondateur et leur adaptation nécessaire au monde d'aujourd'hui ne se prétend pas définitif et il comporte même l'espoir qu'il puisse «inciter à d'autres lectures des écrits de Jean-Baptiste de La Salle ». On ne s'étonnera pas que cette sorte de mise au point, d'aggiornamento, soit faite dans l'optique post-conciliaire et dans la langue, assez différente elle aussi de celle du grand siècle, que notre époque est en train d'élaborer. Un critique, fort bienveillant par ailleurs, a déjà souligné cet aspect inévitablement provisoire du travail des deux Frères, se demandant, entre autres choses, « si l'insistance, très louable en soi, mise sur la pauvreté demeurera au premier plan et si elle ne disparaîtra pas devant celui de la sainteté par l'école, qui rend compte peut-être plus vigoureusement des pulsions intérieures qui animaient l'âme du fondateur. »
Les considérations des deux interprètes, faites pour les hommes d'aujourd'hui dans la langue qui leur est devenue familière, n'en garderont pas moins leur valeur, même si, comme ils le souhaitent, elles se trouvent élargies et complétées dans l'avenir par d'autres points de vue. Elles auront en tout cas largement contribué à donner à « l'éducateur populaire » la place à laquelle il a droit parmi les « maîtres spirituels ».