Date d'ajout : dimanche 20 septembre 2015
par Denis PELLETIER
REVUE : VINGTIÈME SIÈCLE
Sous ce titre fort balancé se dissimulent un outil passionnant et un concept problématique. L'outil, ce sont les 188 notices du dictionnaire, précédées d'une introduction où Jean-Pierre Chantin, naguère auteur d'une thèse sur les convulsionnaires et jansénistes du 19e siècle ; laisse une large place à quelques-uns des spécialistes dont il s'est entouré. L'ouvrage met à la disposition des chercheurs une somme considérable d'informations souvent dispersées et d'accès difficile. Millénaristes et mystiques, sectaires protestants et catholiques en rupture de Rome, ésotériques et adeptes des sociétés initiatiques, etc. : tout un bric-à-brac religieux a ici sa place) où Papus et Eliphas Lévi côtoient Vintras et Cantor, où Bourdin et Guénon font bon ménage avec l'abbé de Nantes et Mgr Lefebvre. Au delà des itinéraires biographiques, les renvois entre notices mettent en évidence réseaux et filiations d'une histoire qui court sur deux siècles et dont l’éclatement défie l'analyse. La République y est présente, puisque les auteurs ont fait le choix d'intégrer à leur corpus les initiateurs d'une « religion laïque » universelle que furent Buisson, Renouvier, Pécaut et quelques autres moins célèbres. Les femmes y sont plus rares : moins d'une sur dix selon Chantin dans son introduction, en majorité des mystiques visionnaires que l'Église rejette en dehors de l'institution. Le concept problématique, c'est celui de « marges » qui définit la démarche de manière extensive. Sans doute permet-il de rompre avec une histoire trop souvent ordonnée autour du « monolithisme religieux » dont Henri Desroche faisait une originalité du paysage religieux français. Pourtant, de façon paradoxale, ces marges ne cessent de renvoyer à la centralité du catholicisme qui, seule, légitime leur juxtaposition, au risque que l'écart à la norme majoritaire l'emporte finalement sur l'originalité des itinéraires. A l'inverse, le dictionnaire montre à quel point le défi jeté aux institutions spirituelles et politiques par la prolifération anarchique des croyances depuis quelques décennies mérite d'être analysé sur la longue durée comme une composante essentielle de la modernité religieuse.