Date d'ajout : dimanche 20 septembre 2015
par Claude SAVART
REVUE : RHEF, 2002
Pour son dixième volume, le Dictionnaire lancé il y aura bientôt vingt ans par Jean-Marie Mayeur et Yves-Marie Hilaire n'a certes pas versé dans la banalité. Il a décidé d' affronter le domaine complexe des marges du christianisme, rejetant très légitimement en sous-titre et entre guillemets le mot si équivoque de sectes. Il en est résulté une collection de biographies particulièrement haute en couleurs, chacun des cent quatre-vingt-huit personnages retenus brillant presque toujours par le pittoresque d'existences hors du commun. On se prend à regretter, pour plusieurs de ces notices, qu'elles n'aient pu s'élargir à une analyse psychologique de leur héros.
Pour cette tâche difficile, Jean-Pierre Chantin s'est entouré de quarante collaborateurs, dont la contribution à l'œuvre commune a été, comme il se doit, plus ou moins étendue. En fait, avec Paul Airiau et Serge Caillet, ils ont à eux trois rédigé quelques 40 % des notices. Comme à l'ordinaire, une longue introduction ouvre le volume ; à ce propos, il est permis de regretter qu'elle soit constituée des « couplets » juxtaposés de presque une dizaine d'auteurs. On perdait ainsi l'occasion de souligner davantage, derrière l'évidente diversité, la réelle unité de l'ouvrage.
Car la difficulté majeure était assurément la délimitation du corpus (on n'attend certes pas de nous que nous discutions le contenu des notices ; qui le pourrait ?). L'introduction pose deux critères qui éclairent ce choix : on a voulu retenir des personnalités ayant eu quelque lien avec les institutions chrétiennes, et ayant à un certain moment rompu avec elles. Dans l'ensemble, ces critères ont été bien suivis. Le lecteur se pose néanmoins quelques questions. Fallait-il conserver les notices de Louis Charbonneau ou d'Anne-Marie Coste, chez lesquels on cherche en vain trace d'une rupture ? À l'inverse, l'allusion de la page xxxv à Mélanie Calvat suffit-elle à justifier son exclusion, alors que plusieurs notices se rapportent à des « mélanistes » ?
Tel qu'il se présente - et il serait trop facile d'épingler telle autre lacune -, le corpus des cent quatre-vingt-huit notices constitue un ensemble chronologiquement équilibré (si l'on se fie aux dates de décès), avec une présence plus intense (et qu'il resterait à expliquer) dans les années 1890-1920. Signalons encore, en fin de volume, un minutieux index (quinze pages serrées). Et exprimons le regret de ce que l'illustration de couverture (« le Christ jaune » de Gauguin) ne soit à aucun moment commentée et expliquée.
Peut-être notre lecteur nous saura-t-il gré d'évoquer enfin rapidement - et sans aucune précision statistique, car les appartenances se mêlent les familles spirituelles les mieux représentées dans ce volume. La cohorte la plus nombreuse (entre vingt et trente notices) se réclame indissociablement du martinisme, de la Rose-Croix et du gnosticisme. Viennent ensuite : d'une part les naundorffistes et vintrassiens (ce sont souvent les mêmes), d'autre part les jansénistes et anticoncordataires (même remarque). Les divers socialismes utopiques fournissent une dizaine de notices, comme de leur côté les divers opposants au deuxième concile du Vatican. Nous ne poursuivrons pas cet inventaire, mais nous ne terminerons pas sans avoir remercié les auteurs d'avoir jeté quelque clarté dans cette vaste nébuleuse.