Date d'ajout : lundi 07 décembre 2015
par O. L.
REVUE : LUMEN VITAE, 1998, 3
L'ouvrage constitue une remarquable introduction à l'histoire de la mission de l'Église catholique en Chine de l'année 1900 (révolte des Boxers) à 1958 (condamnation de l'Association Patriotique des Catholiques Chinois par Pie XII).
L'auteur, professeur d'histoire de l'Église à l'Université Catholique de Louvain et directeur de la Revue d' Histoire Ecclésiastique de Louvain, souligne la bonne volonté et la très grande générosité qui ont contribué à l'accroissement formidable de la mission de Chine dans la première partie de ce siècle. Mais, il montre aussi toutes les ambiguïtés du contexte missionnaire d'alors : une population chinoise humiliée par des puissances coloniales qui se servaient de l'évangélisation comme d'une voie royale pour accroître leur influence respective, un complexe de supériorité occidental généralisé manifestant très peu d'intérêt pour la culture locale ; une conception de la mission se fondant sur une ecclésiologie catholique post-tridentine très centralisée, cléricale et exclusiviste ; une prise de conscience trop tardive de toute l'importance de l'apostolat intellectuel et citadin : des congrégations missionnaires fort jalouses de conserver leurs prérogatives et leurs privilèges ; un clergé indigène très longtemps maintenu dans une situation subalterne,… Autant d'ambiguïtés qui devraient inviter certains responsables de l'Église d'aujourd'hui à manifester un peu plus d'humilité dans leurs discours et leurs actions : « Une longue suite de malentendus et d'incompréhensions, d'erreurs même, a marqué les relations entre la Chine et le christianisme. En tout état de cause, ces relations ont eu et gardent aujourd'hui une valeur exemplaire quand on pose la question de l'universalité chrétienne » (p. 181). Ceci dit, CI. Soetens insiste aussi longuement sur quelques grandes personnalités missionnaires qui, comme le Père Vincent Lebbe et Mgr Celso Constantini, n'ont pas hésité à se compromettre pour favoriser la lente émergence d'une Église authentiquement chinoise.
Après une longue introduction consacrée à l'évolution de la mission catholique du 17e à 1900, l'ouvrage présente son sujet en trois parties : l'apogée des missions en régime de protectorat (1900-1920), le long cheminement vers une Église plus chinoise (1920-1937), l'Église dans la tourmente (après 1937). Sa conclusion se centre surtout sur une évaluation critique de la politique missionnaire de l'Église catholique en Chine.
A l'actif de l'ouvrage on notera encore sa très bonne orientation bibliographique.
On déplorera seulement que les sources consultées se limitent à celles écrites en langues européennes et que l'ouvrage donne donc assez peu de part au point de vue chinois sur la mission. Pour compléter et balancer la présentation de CI. Soetens surtout centrée sur l'œuvre missionnaire, on conseillera vivement la lecture des derniers chapitres de l'excellent livre de J. Charbonnier Histoire des Chrétiens de Chine paru en 1992 chez Desclée, un ouvrage davantage consacré au développement de la chrétienté autochtone.