Date d'ajout : mardi 21 février 2017
par TRAN VAN TOAN
REVUE : MÉLANGES DE SCIENCE RELIGIEUSES, N° 3-4 décembre 1988
Le 12e volume des cahiers « Philosophie » de l'Institut catholique de Paris rassemble autour du thème « le texte comme objet philosophique » dix articles de onze auteurs. Ces études abordent des sujets assez disparates allant des analyses linguistiques fort techniques jusqu'aux considérations proprement philosophiques en passant par la critique littéraire. Elles sont groupées en 4 parties : 1. « Le moment du texte » (Francis Jacques). 2. Texte, langage, communication : a) « Texte langage, communication. Essai de Cartographie » (Marie-Dominique Popelard : b) « Fonctions discursives. Passé simple et imparfait » (Jean-Pierre Descles et Zlatka Guentchéva). 3. Les destinations du texte : a) Alphabétification ou le texte orphelin » (Laurent Cornaz) ; b) « Textes sur texte. Ou comment (le) taire ? » (Pierre-Jean Labarrière) ; c) « Texte et Hors-texte » (Gwendoline Jarczyk) ; 4. Le travail du texte : a) « Texte, Mimêsis, Répétition, de Ricœur à Kierkegaard et retour » (François Bousquet) ; b) « Vers l'inconscient du texte ? Psychanalyse et critique littéraire » (Jean-François Catalan) ; c) « Énigmes. A partir de Walter Benjamin » (Catherine Perret) ; d) « Mise en abîme et objeu. Ontologie et textualité » (Jean Greisch). Le Père Jean Greisch, spécialiste connu en herméneutique présente les textes et reprend, à la fin, la méditation philosophique sur le thème du livre.
La richesse des points de vue est incontestable, mais on peut difficilement dire que ces dix textes s'articulent en une unité ou qu'ils se rapportent tous directement au thème proposé. Rançon d'un travail pluridisciplinaire qui s'arrête au seuil de l'interdisciplinarité. La terminologie souvent très recherchée, très technique, ainsi que les fréquentes allusions à des théories contemporaines supposent chez le lecteur une bonne connaissance des derniers développements de la linguistique, de la philosophie du langage, de la critique littéraire, du structuralisme et du courant herméneutique. Il n'est, par exemple, guère facile de saisir certaines argumentations si l'on n'a pas suivi de près les controverses suscitées par l'œuvre de Jacques Derrida, ou surtout les recherches menées depuis une trentaine d'années par Paul Ricœur en matière d'herméneutique.
Une idée dominante se dégage : nous assistons à la fin de l'idéologie qui considère le texte comme un absolu, délié de toute référence au monde réel et aux sujets doués de parole. En quittant la dite idéologie, récemment encore en vogue chez un petit nombre d'intellectuels parisiens, on revient à la conception, somme toute, proche du bon sens : le texte n'est qu'un moment de médiation dans le processus de communication et ne peut fonctionner sans référence à tout un ensemble complexe de hors-textes, à savoir les sujets, le réel, l'imaginaire, les différents niveaux ou jeux de langage ainsi que les aspects illocutionnaires et perlocutionnaires du langage. On redécouvre aussi le caractère essentiel du langage dans l'être de l'homme : loin d'être une simple copie (Abbilden) ou un reflet du monde, le langage donne forme (bi/den) au monde et aux projets humains, permettant à l'homme de saisir ce qui fait son humanité.