Date d'ajout : mardi 22 août 2017
par F.-D. BOESPFLUG
LA VIE SPIRITUELLE, mai 1978
« Sécheresse, ô faveur, dis-nous le choix de tes élus » (Saint-John Perse, cf. p. 93). En lisant cet ouvrage on peut prendre conscience qu'il y a sécheresse et sécheresse... Celle vécue comme une faveur par le spirituel et le mystique n'est pas d'emblée, tant s'en faut, celle choisie par le philosophe dans son travail de réflexion, et imposée à ses lecteurs. Qu'on se le dise : le présent recueil, fort riche, est austère. Il n'y a nulle amertume à le constater, et à s'en avertir. Pas non plus d'étonnement. Tout juste un peu d'ironie ...
Huit professeurs chercheurs, en majorité de l'Institut Catholique de Paris, s'interrogent en philosophes et en croyants sur le statut du mythe et du symbole dans la connaissance de Dieu. D'où un certain style, certainement fécond mais souvent rébarbatif, marqué qu'il est par une double volonté de rejoindre l'ordre de la foi vivante sans se départir des ressources (ni des attraits) d'une analyse rigoureuse de type philosophique. Parmi les huit exposés substantiels que rassemble cet ouvrage, on peut en compter cinq (ceux de J. Trouillard, X. Tilliette, F. Marty, E.-D. Yon et J. Greisch) qui sont consacrés entièrement, ou presque, à situer le thème général dans telle ou telle phase précise de l'histoire de la philosophie (respectivement: Proclos, Schelling, Kant, Hegel ct Levi-Strauss) : contributions parfois très techniques, voire passablement ésotériques ; qui ne seront estimées à leur juste valeur que par des lecteurs équipés ad hoc.
Ce soit dit sans vouloir décourager personne. Au contraire: à qui en veut vraiment, les aridités philosophiques peuvent réserver leurs faveurs. Et, pour être juste, il faut souligner que ces épais nuages d'érudition laissent place à de très lumineuses trouées.
Quant aux trois exposés qui restent (ceux de J.-R. MareUo, S. Breton et D. Dubarle), pour n'être pas plus faciles d'accès que les préeédents, ils n'en conservent pas moins sur eux l'avantage de formuler un point de vue beaucoup plus synthétique sur la question traitée. On y trouvera avec joie, à tel détour du laborieux chemin de la pensée, des pénétrantes évaluations sur l'indispensable va-et-vient entre l'expérience spirituelle et la connaissance théologique. Qu'il nous soit permis, à ce sujet, d'exprimer une préférence admirative pour le travail du Père Dubarle, qui dégage remarquablement bien, à notre sens, la dimension proprement théologale du symbole, ainsi que la dialectique du toucher et du voir dans la foi chrétienne.
Richesse et austérité. Faut-il croire que l'un ne va pas sans l'autre ? Nous n'en sommes pas persuadé. Et notre ironie initiale vise le paradoxe d'un tel ouvrage, tout de même bien peu symbolique. Il faut se réjouir de ce que le mythe et le symbole, après avoir été pour le moins suspectés, recouvrent la faveur de ceux qui se sentent une responsabilité dans l'ordre de la pensée. Mais il ne faudrait pas que ce louable souci incite la réflexion chrétienne à mettre, dans sa hâte, la charrue avant les bœufs ou, pour parler clair, le discours philosophique sur le symbole avant la fréquentation des symboles.