Date d'ajout : mardi 09 mai 2017
par Pierre PETIT
ÉTUDES THÉOLOGIQUES ET RELIGIEUSES, 1984, 3
Plutôt que d'écrire une biographie complète du Père Laberthonnière, Mlle M.-Th. Perrin a choisi de mettre à la disposition du public les documents qu'elle a rassemblés. En 1975 elle publiait : Laberthonnière el ses amis, dossiers de correspondance, 1905-1916. Ce nouveau Dossier lui fait suite. Henri Gouhier, qui le préface, tient qu'il « doit être considéré comme une importante contribution à l'histoire des idées et de la vie religieuse pendant la Première Guerre mondiale et la douzaine d'années qui l'a suivie ». Ce que les lecteurs protestants vérifieront aussi bien que les catholiques.
Ils liront en effet la correspondance du pasteur Marc Boegner (une quinzaine de lettres de celui-ci) avec le Père Laberthonnière - on sait quelle estime mutuelle et quelle amitié les unissaient -, ainsi que la correspondance du Père avec Nathan Söderblom et celle avec K.E. Skydsgaard, deux noms bien connus dans l'histoire de l'œcuménisme. Mais par ailleurs, et pour ce qui concerne l'ensemble du livre, plusieurs aspects importants de la vie catholique durant les années 1917-1932 sont éclairés par les lettres qu'on lit ici, et par les notes ou précisions dont Mlle M.-Th. Perrin les accompagne : le rétablissement des relations entre le Saint-Siège et la République française, le climat intellectuel qui régnait dans l'Église catholique (de par le comportement des Congrégations romaines ainsi que de certains évêques et supérieurs religieux en France), l'étonnante « affaire Sanson » (ce prêtre de l'Oratoire qui prêcha à Notre-Dame de Paris des sermons « inquiétants » écrits par le Père Laberthonnière), les suites de la crise moderniste, qu'il s'agisse de Maurice Blondel, d'Édouard Le Roy, ou d'autres noms moins connus ...
Mais au-delà de tous les faits, les incidents, les comportements, c'est la physionomie spirituelle de Laberthonnière qu'il est captivant de mieux connaître, prêtre incontestablement fidèle à son Église toute sa vie durant, bien que mis à l'index et tenu en suspicion. Il était en garde contre la « dogmatique théologiste » (p. 140, lettre à Mgr Söderblom) et contre « la grande plaie du monde chrétien, l'autoritarisme » (p. 146, lettre à K.E. Skydsgaard). Peu après sa mort (1932), un de ses amis écrivait à son sujet : « ... il fut l'inlassable champion de la liberté contre toute notion de l'autorité qui mépriserait la personne humaine en l'assimilant à une chose ... La foi n'est pas l'acceptation d'un formulaire sans aucun souci de son contenu, mais la docilité à une direction. Le sacrement n'est pas un rite magique ... , mais un influx gratuit de l'Esprit divin » (p. 21). Heureux Dossier qui nous fait connaître la vie profonde d'un authentique pratiquant de l'œcuménisme.