Date d'ajout : mardi 22 décembre 2015
par Piere-Andr� BURTON
REVUE : COLLECTANEA CIRTENCIENSIA, 2000
Prêtre du diocèse de Paris et enseignant la spiritualité (cistercienne) à l'École cathédrale de Paris, M. ROUGÉ nous présente ici les résultats de sa recherche sur la doctrine et l'expérience eucharistiques dans les œuvres de Guillaume de Saint-Thierry. Du livre, le lecteur appréciera autant la finesse et la pénétration des analyses, que la sobre rigueur et la justesse d'expression avec lesquelles elles sont exposées. L'étude se divise en trois parties. Dans la première partie (chap. 1 et 2), l'A. procède, selon l'ordre chronologique, à une lecture des œuvres guillelmiennes afin de « relever » tous les éléments de doctrine eucharistique qui y figurent. Ce relevé permet, entre autres choses, de découvrir que cette doctrine est « comme une rivière souterraine, habituellement invisible mais dont les résurgences, au gré du cheminement de la pensée, attestent l'indubitable présence » (p. 110). La seconde partie offre une exploration de type symbolique des éléments relevés dans la première partie. Trois thèmes sont retenus : le symbolisme de la « nourriture » (chap. 3) ; une thématique plus « expérientielle » qui fait appel à l'image de l'eucharistie comme « sacrifice » (chap. 4) ; et enfin une approche davantage « anthropologique » autour de la mémoire, ou l'eucharistie comme « mémorial » (chap. 5). Cette triple approche révèle que « le sacrement de l'autel joue manifestement [chez Guillaume] un rôle charnière dans la vie spirituelle » (p. 215), dans la mesure où il est une « porte », dans le temps, qui ouvre vers l'Éternité et le lieu du « passage » de la « chair » vers l' « Esprit ». Se pose dès lors très précisément la question de savoir comment articuler « doctrine » et « expérience » pour que se « vérifie » ce passage. C'est l'objet de la troisième et dernière partie, « délibérément plus systématique et plus personnelle » (p. 14). L'A. y propose, dans une attitude qui se veut « dialogale », sa propre restitution de la doctrine eucharistique de Guillaume. Un double « itinéraire » est proposé (chap. 6 et 7): celui qui va de l'homme vers Dieu, où l'Eucharistie est examinée sous l'angle de l'anthropologie et celui qui va de Dieu vers l'homme où l'Eucharistie apparaît comme théophanie, selon une double dimension : christologique et pneumatologique, qui est appelée à culminer dans la rencontre et l'union mystique avec Dieu (image du « baiser »). Se dessine ainsi une perspective clairement trinitaire qui fait l'objet d'une reprise plus synthétique dans l'article que le même auteur publie dans la revue Communio. Le second des deux articles, publié dans la revue Liturgie, reproduit une conférence que l'A. a donnée aux membres de la CFC et dans laquelle il reprend les idées-forces de son travail. Ainsi, selon M. ROUGÉ, ce qui est au cœur de la doctrine sacramentelle de Guillaume, c'est son « réalisme eucharistique » : non pas, précise l'A., « matérialisme eucharistique, mais réalisme de la res, de la grâce qui se donne dans les sacrements » (p. 13).