Date d'ajout : mardi 11 avril 2017
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ESPRIT ET VIE, septembre 1987
Des quatre archevêques qui occupèrent le siège épiscopal de Paris entre 1840 et 1871, trois sont morts de mort violente : Mgr Affre, après avoir été blessé sur les barricades du faubourg Saint-Antoine, alors qu'il tentait une mission de conciliation au cours des journées de juin, meurt le 27 juin 1848 ; Mgr Sibour est assassiné par le poignard d'un prêtre interdit, Jean Verger, en l'église Saint-Étienne-du-Mont le 3 janvier 1857 ; Mgr Darboy tombe sous les balles des insurgés de la Commune le 27 mai 1871, à la prison de La Roquette.
J. Manceau, prêtre du diocèse d'Angers a repris l'essentiel de sa thèse soutenue en 1978 à l'Institut Catholique de Paris, dans cet ouvrage qui est la première étude consacrée à la vie, à l'œuvre et aux grandes idées de Mgr Sibour, dont l'épiscopat a duré un peu plus de huit années (d'octobre 1848 à janvier 1857). L'A. étudie successivement les conceptions ecclésiologiques de Mgr Sibour, à partir de son livre Les Institutions diocésaines ; le Concile provincial tenu à Paris en 1849 ; l'action pastorale de l'archevêque, l'organisation du diocèse, la restructuration des paroisses ; ses rapports avec L'Univers et ses positions politiques ; son action sociale et son attitude vis-à-vis des problèmes d'enseignement.
Mgr Sibour passe souvent pour avoir été un évêque libéral et gallican. L'était-il ?
Il est sûr qu'il a été séduit par les idées de Lamennais sur les libertés et qu'il les a reprises à son compte. Cela explique qu'il a accueilli avec joie le renversement de la Monarchie de Juillet et l'établissement de la République. Mais il a su garder ses distances vis-à-vis du Gouvernement Provisoire et dénoncer les atteintes portées à la liberté religieuse. Après avoir conseillé l'abstention au plébiscite qui a suivi le coup d'État, il entra cependant au Sénat en 1852, se rallia à l'Empire et collabora loyalement avec lui. Il a néanmoins toujours insisté sur le fait que l'Église n'avait partie liée avec aucun régime politique ; « elle respecte, écrit-il, tous les gouvernements qu'elle trouve établis, ceux même que les révolutions ont fait surgir, sans leur demander compte de leur origine, ni de leur droit, pourvu qu'ils accomplissent leur devoir » (p. 301).
Quant au gallicanisme, l'A. estime qu'il est injuste d'accuser Mgr Sibour d'un gallicanisme qu'il n'a pas professé. « Il est par contre juste, écrit-il, de reconnaître que cet évêque, conscient de ses responsabilités pastorales et toujours vigoureux à les revendiquer, a eu une intuition vive de la collégialité épiscopale avec le successeur de Pierre et sous sa direction, que professa le second concile du Vatican. C'est là pensons-nous, un des aspects originaux de sa pensée et ce qui a guidé son action » (p. 362). Mgr Sibour réagit en pasteur, plus qu'en théologien. Il ne parle pas, à la connaissance de l'A., de la réception par l'Église des décisions magistérielles de Rome. (N.D.L.R. : Il n'est donc pas possible de dire si Mgr Sibour est partisan du gallicanisme théologique, selon lequel les décisions du Pape dans les questions de foi ne sont irréformables qu'avec le consentement de l'Église universelle. Cf. 2e partie de l'article 4 de la Déclaration de 1682).