Date d'ajout : mardi 13 juin 2017
par Paul-Hubert POIRIER
STUDIES IN RELIGION, SCIENCES RELIGIEUSES, 1974, 5
Comme nous le dit l'auteur dans son introduction, cette étude sur Sophrone de Jérusalem est le premier volet d'un « tryptique maximien » qui abordera d'abord la cosmologie et l'ecclésiologie de Maxime le Confesseur, ensuite sa christologie et sa doctrine de la divinisation ; Christoph von Schönborn nous présente ici le Père spirituel de Maxime.
L'étude comprend deux parties consacrées l'une au « déploiement du monachisme palestinien », l'autre à Sophrone, sa vie, ses œuvres et sa théologie. Le sous-titre de l'ouvrage - vie monastique et confession dogmatique en définit bien le propos : en effet, l'auteur y établit un lien constant entre les chefs de file du monachisme palestinien et les querelles christologiques qui ont troublé l'Orient chrétien à la suite du Concile de Chalcédoine. Il montre comment des personnages comme Euthyme (†473), Sabas (†532), Cyrille de Scythopolis (†588) et surtout Sophrone (†639) ont su, par leurs écrits et par leur vie, garder intact l'héritage de Chalcédoine en s'alimentant aux sources de la christologie néotestamentaire et anté-nicéenne.
C'est de l'intérieur que l'auteur aborde la théologie de Sophrone : il nous en donne une vue d'ensemble, centrée sur l'économie du Fils. Les nombreux textes cités au long de l'étude et ajoutés en notes s'agencent bien dans une synthèse dont nous nous demandons toutefois si elle ne dépasse pas, par l'ampleur et la cohérence, la pensée de Sophrone lui-même. Seule une traduction de l'œuvre du moine-patriarche permettrait de clarifier ce point. Dans l'ensemble, l'auteur met bien en lumière les différents aspects de la réponse de Sophrone au monoénergisme et, par là, de toute sa théologie : le dessein bienveillant du Père comme joint entre la Théologie et l'Économie (134ss) ; l'importance accordée à la kénose du Fils comme critère d'orthodoxie en christologie (181) ; l'insistance sur les « vivifiantes (parce que réelles) souffrances » du Christ, garantie de notre divinisation (217).
Les réserves que nous formulerions sur cet ouvrage extrêmement valable et fort bien écrit, tiennent à la méthode adoptée par l'auteur : il se situe à mi-chemin entre théologie et histoire. Se proposant comme but une compréhension de l'œuvre théologique et du rôle ecclésial de Sophrone, il se lance parfois dans des considérations générales qui auraient davantage leur place dans un traité de spiritualité que dans une étude positive. Il reproche à bon droit à certains historiens de manquer de « cette connaturalité » à l'objet « qui seule permet d'en comprendre le sens propre » (25, n3) ; cependant, une plus grande attention au contexte historique et politique de Sophrone ainsi qu'à ses sources nous aurait permis de mieux apprécier son originalité certaine.