Date d'ajout : samedi 17 octobre 2015
par BULLETIN DE THE?OLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE, 2002
REVUE : BULLETIN DE THÉOLOGIE PATRISTIQUE GRECQUE, 2002
L'ouvrage collectif intitulé L 'historiographie de l'Église des premiers siècles, sous la direction de B. Pouderon et Y-M. Duval rassemble 36 contributions données au cours du IIe Colloque international d'Études patristiques, tenu à Tours en 2000. Les frontières de l'ouvrage sont déterminées par une discipline, une époque et un milieu, le monde chrétien antique; sans tenir compte, ici non plus, de la distinction entre livres canoniques et livres des Pères. Car l'historiographie chrétienne commence avec les Actes des apôtres. Le centre de gravité de l'ouvrage se situe dans l'analyse des constructions littéraires, subtile alchimie qui s'inscrit entre les documents et la rédaction de l'histoire. Cette activité construit la figure que l'Église veut retenir de son passé. Elle prend évidemment des libertés avec les documents reçus et les investit d'une visée théologique. On peut donc parler en un certain sens de « manipulation ». Elle s'exerce aussi selon les canons culturels de l'historiographie païenne du temps et les rapprochements sont toujours suggestifs, comme celui de Luc avec les historiens hellénistiques. Les Actes des apôtres obéissent ainsi à une stratégie littéraire, historique et doctrinale. Devant cette activité, le moderne, spontanément inquiet, se demande où est la fiabilité de ces histoires. Les conclusions des chercheurs d'aujourd'hui demandent parfois à être confirmées. Cependant l'exercice est non seulement nécessaire dans notre monde, mais encore profitable. Car il situe les genres littéraires dans leur intention et permet de parvenir à une meilleure connaissance de la vérité, non seulement historique mais aussi théologique, des origines chrétiennes. Résumons les grandes sections du volume. 1. La mémoire des origines est définie par H. Norelli comme « une reconstitution du passé communautaire qui est en fait une construction développée à l'intérieur de la communauté elle-même […], en fonction des exigences identitaires de cette communauté » (p. 1). Le problème de la fiction ne répond pas seulement à un souci de propagande, mais aussi à des préoccupations d'ordre esthétique. L'argument de la réussite historique du christianisme apparaît vers 200 chez Origène et se retrouve chez Athanase et Chrysostome. 2. Le IVe siècle est celui de l'histoire « militante » des hérésies, car l'hérésiologie devient un genre historiographique. L'entrée du monachisme dans l'historiographie ecclésiale est plus lente. La vie de sainte Mélanie par Gerontios est un exemple d'articulation entre reprise des événements et fiction hagiographique. 3. Eusèbe de Césarée inaugure en histoire l'acte de citer et de traiter ses sources. Il exercera une influence décisive sur son traducteur et continuateur Rufin, qui fait passer l'histoire ecclésiastique du monde grec à l'univers latin. 4. Les grands continuateurs d'Eusèbe au Ve siècle seront Socrate, Sozomène et Théodoret qui abordent les événements plus récents, chacun gardant son originalité dans le traitement des documents. 5. L'œuvre de Jérôme va de la chronique à l'histoire et accomplit une certaine mutation de la matière historique. 6. L'histoire est mise au service de la pastorale et de la théologie, chez Grégoire de Nazianze, Jean Chrysostome et Justinien. Cette petite somme donne à penser et constitue un précieux instrument de travail.