Date d'ajout : mercredi 11 mai 2011
par Christian Cannuyer
MSR octobre-novembre 2007
Les étudiants qui abordent le cours d'Histoire de l'Église ne réalisent pas toujours bien qu'en ce qui concerne les premiers siècles, la reconstitution historienne des faits s'appuie sur une documentation primaire (épigraphie, sources non littéraires et/ou archéologiques) extrêmement ténue et sur une documentation secondaire (sources littéraires, patristiques et historiographiques) dont le traitement requiert de nombreux garde-fous critiques et méthodologiques. Dans cette documentation secondaire, les œuvres des premiers "historiographes de l'Église" ("Luc" en premier lieu, et puis l'inévitable Eusèbe de Césarée, Rufin d’Aquilée, Socrate, Sozomène, Théodoret de Cyr, S. Jérôme, etc.), lesquels ne sont certes pas des historiens au sens moderne du terme mais se situent à la croisée des chemins de la théologie, de l'apologétique, de l'hagiographie et de l'histoire.
C'est à toute cette littérature d'histoire ecclésiastique ancienne que s'est intéressé le IIe Colloque international d'Études patristiques d'expression française tenu à l'Université de Tours, du 11 au 13 septembre 2000. En voici les actes. Ils attestent qu’enfin "les études patristiques dans l'Hexagone sont sorties de la sacristie", pour reprendre la suggestive formule de la préface de Michel Quesnel. Les chercheurs de l'Université publique et des Instituts confessionnels ou privés y sont également présents, associant leurs compétences pour faire progresser la connaissance des premiers temps du christianisme. La grosse trentaine d'études de première main ici rassemblées couvre une période qui va de Luc l'Évangéliste à Bède le Vénérable (VIIIe siècle), avec une pièce rapportée – intéressante certes, mais un peu insolite – comprenant deux communica-tions sur l'historiographie de l'Éthiopie médiévale.
Un tel recueil ne prétend évidemment pas être une synthèse. Ce serait prématuré. Mais la voie est ouverte, qui définit ainsi un champ de recherche dont la spécificité avait sans doute besoin d'être précisée, à la périphérie de la patristique : l'historiographie du christianisme antique, toutes tendances mêlées. La diversité des intentions et des points de vue des "historiens ecclésiastiques" témoigne de la dialectique de l'unité et de la particularité qui traverse les premiers siècles d'une Église alors beaucoup moins homogène qu'on ne l'a crue longtemps. Mais leurs écrits sont des rescapés, passés par l'étamine critique d'une "orthodoxie" qui, à partir des IVe- Ve s., a fait disparaître beaucoup d'ivraie au profit de ce qu'elle jugeait être le bon grain historien doit en tenir compte dans sa tentative de reconstruction objective du passé.