Date d'ajout : mardi 04 avril 2017
par Yves POUTET
REVUE : DIVUS THOMAS, 1,2, 1977
Dans ce 11è volume de la « Bibliothèque de spiritualité », les Frères Sauvage et Campos, professeurs de théologie dont les thèses ont marqué l'historiographie lasallienne, tentent une synthèse. L'ouvrage est remarquablement composé et d'une lecture facile. Un index thématique rend son utilisation commode. La Salle a expérimenté les exigences mortifiantes de l'apostolat populaire. Il s'est efforcé de faire partager sa conviction que l'éducation chrétienne des enfants en milieu scolaire est un ministère d'Église. Ceux qui y sont appelés ont mission d'annoncer la foi dont ils sont dépositaires par la grâce de Dieu. Ils doivent l'incarner dans tous les actes de la vie et pour cela « envisager toutes choses avec les yeux de la foi, agir en vue de Dieu seul et attribuer tout à Dieu ». Afin de se rendre digne d'un tel ministère, il importe de vivre en présence de Dieu, d'imiter Jésus-Christ, de n'agir que par le mouvement du Saint-Esprit. Mais La Salle envisage tout spécialement l'action apostolique à travers un moyen qu'il recommande avec une rare insistance : l'école chrétienne. Il veut « des écoles de la foi à la portée de .la jeunesse pauvre en abandonnée ». Pour fournir aux maîtres les moyens pratiques d'organiser de telles écoles, il les associe dans une communauté, une « fraternité » disent les auteurs, « une communauté religieuse » disait La Salle dans nombre de ses Méditations. Les membres de cette association ne doivent plus former « qu'un cœur et qu'une âme ». Les auteurs concluent de façon pertinente : « Le principe unifiant de l'enseignement spirituel de La Salle comme de son itinéraire évangélique n'est pas un thème ou une idée. C'est une présence vivante, une force agissante et transformante. Celle de l'Esprit-Saint ».
On peut regretter que les renvois à L'Éducation en France du XVlè au XVIIlè s., de R. Chartier, D. Julia et M.M. Compère, ne soient assortis d'aucune réserve car cet ouvrage transpose parfois dans le passé des concepts récents au sujet du rôle de l'État dans l'enseignement, et il défigure, à l'occasion, quelques réalités religieuses du XVIIè s. Ainsi, les enfants abandonnés n'étaient pas « internés » par les autorités religieuses et civiles; la famille de La Salle « n'accapara » pas les charges de l'échevinage lorsqu'elle quitta le commerce ; la bulle pontificale qui approuva l'institut des Frères des Écoles chrétiennes (1725) ne décida pas que ses membres « devraient » obligatoirement faire des vœux perpétuels mais seulement qu'ils y seraient « admis », la nuance est considérable et transforme en régime autoritaire ce qui était assez libéral. Précisons bien, cependant, que les Frères Sauvage et Campos ne prennent nullement à leur compte ces approximations. Leur travail est d'une solidité exemplaire. Il est désormais indispensable à une bonne connaissance de la spiritualité lasallienne.