Date d'ajout : mercredi 23 décembre 2015
par V�ronique AUZ�PY-CHAVAGNAC
REVUE : TRANVERSALITÉS, juillet 1999
On ne pouvait faire meilleur choix que celui de Louis Veuillot pour illustrer cette collection « Politiques et Chrétiens » que les Éditions Beauchesne consacrent à une problématique majeure de la vie chrétienne.
Louis Veuillot, symbole de l'intransigeantisme et de l'ultramontanisme, monument dressé au cœur de ce XIXe siècle où se construit le modernisme entre révolutions, Républiques et Empire. Mais, aussi, modèle du journaliste catholique, si l'on entend par là témoin de l'actualité, habité par la volonté de lire le politique sous le seul angle du religieux. L'un des premiers, enfin, à avoir affirmé l'aptitude du laïque à parler au nom de son Église, à condition de toujours se placer sous le contrôle et l'autorité du Souverain Pontife. Anti-moderniste, certes, mais aussi, à bien des égards, profondément moderne.
Nul mieux que Pierre Pierrard, historien spécialiste des relations de l'Église et de la Société, ne pouvait mieux cerner ce personnage aujourd'hui largement méconnu. Biographie intellectuelle, nourrie par une grande variété de citations, empruntant l'essentiel de ses sources au journal L'Univers, quasiment enfanté par Louis Veuillot, et à la correspondance de celui-ci, cet ouvrage insiste plus sur l'œuvre du journaliste que sur celle de l'écrivain, à raison, sans doute, les performances du premier l'emportant largement sur celles du second. Mais surtout, c'est à travers son journal que Louis Veuillot s'est exprimé les plus totalement, comme homme du peuple, autodidacte de génie et converti, brûlant de zèle religieux. Il est ainsi parvenu à garder à l'Église un lectorat populaire, celui des prêtres de paroisse, des curés de campagne et d'une bonne partie de leurs ouailles, désorientées par les querelles internes du catholicisme à cette période.
Pierre Pierrard fait une large place au débat du libéralisme et de l'intransigeantisme illustré par les venimeux échanges d'un Veuillot avec un Dupanloup et un Montalembert. Il marque la concomitance du règne de Pie IX sur l'Église et de celui de Veuillot sur L'Univers et la complicité d'esprit qui les unit, à l'exception de quelques mouvements d'humeur et de plume du publiciste, jugés excessifs par le Pape et condamnés comme tels. A la tendance libérale menée par l'évêque d'Orléans et le chef du parti catholique s'oppose ainsi le camp ultramontain du petit clergé rassemblé par L'Univers autour du Pape, même si le partage n'est pas aussi tranché et si Louis Veuillot compte quelques amis dans l'épiscopat français, Mgr Gerbet ou Mgr Parisis par exemple.
Quelques textes judicieusement choisis et placés à la fin de l'étude expriment bien le caractère intégral de la foi de Louis Veuillot, l'ensemble de sa vie et de sa vocation étant mis au service de Dieu et de l'Église. Le langage n'est pas sans nous paraître désuet et d'une certaine naïveté mais il traduit une vraie humilité et le sens accompli des valeurs chrétiennes.
Le témoignage d'Émile Poulat, qui suit cette biographie, insiste à juste titre sur l'actualité de la problématique catholicisme/laïcité. Il souligne l'inadéquation des positions d'une Église estimant parler au nom de Dieu et d'une Société déterminée à ignorer l'existence de ce dernier. Le catholicisme libéral ne serait, selon lui que le signe d'une tentative récurrente d'adaptation du discours, nécessairement intransigeant de l'Église, à un monde changeant. Ainsi le combat de Louis Veuillot apparaît-il moins daté. Il illustre la difficulté du Chrétien à être dans le monde sans être du monde et le choix qu'il est en droit de faire d'une interprétation intégrale de sa mission.