Date d'ajout : mardi 21 mars 2017
par SIMONE GOYARD-FABRE
REVUE : REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE
Cet ouvrage rassemble sept études dont le P. Dubarle souligne « la signification très actuelle » : à l'heure où la société moderne est en train de muter, elles sont tout ensemble « un procès-verbal d'incertitude » et l'expression d'« une volonté mûrie d'entreprendre » ; comme telles, elles représentent ce que « l'esprit de la pédagogie porte en lui du meilleur pour à présent ».
Apparemment, les thèmes abordés sont divers. Daniel Hameline s'interroge sur les deux fonctions contradictoires qui, en matière d'éducation, se sont maintenues au fil des siècles malgré les divergences idéologiques: à savoir, la fonction d'intégration sociale et la fonction d'accomplissement de soi. Philippe Kaeppelin réfléchit sur le ON du groupe, adoptant à son égard deux approches successives : l'approche psychanalytique et l'attitude phénoménologique, qui lui permettent d'éclairer l'usage du « on » dans les groupes de formation et sa signification dans le contexte de la culture actuelle où il est devenu un héros commun. Jean Houssaye, à la clarté de son expérience de professeur de philosophie, déchiffre la situation pédagogique comme la triangulation savoir/professeurs/élèves, qui peut donner lieu, selon lui, à trois types de processus : enseigner, apprendre, animer. Tandis que Jean Milet propose une pédagogie différentielle, Pierre Mayol exprime et explique son pessimisme à l'égard d'une « société sans initiation » car enfin, dit-il, sans sa dimension sociale, le « sujet de l'éducation » n'est rien. La légende de saint Cassien, mis à mort par ses propres élèves qui le martyrisèrent en utilisant les stylets et les poinçons avec lesquels ils écrivaient son enseignement, conduit Jacques Piveteau à se demander si enseigner est une vocation ou un martyre; et il conclut que « s'il y a une vocation à l'enseignement, c'est la vocation au martyre ». Et Alexandre Rey-Hermas remet sur le métier, en historien, le vieux problème, toujours débattu, de la liberté d'enseignement.
Cependant, il, y regarder de près, ces thèmes multiples ont un dénominateur commun : chacun des auteurs, à sa manière, selon ses expériences ou ses préoccupations, cherche les moyens de donner au « sujet de l'éducation », pris dans toutes ses dimensions, « le statut qu'une société rajeunie, confrontée à un monde agrandi, pressent, appelle, mais n'ose encore, avec assez d'audace, avec assez de vision, inventer ». Le problème, il est vrai, est des plus vastes et des plus difficiles car il concerne tous les hommes et il les concerne au tréfonds de leur être et de leur vie. Ces réflexions qui, en définitive, portent toutes sur la liberté -la liberté concrète - des hommes, s'accordent au moins sur un point, et qui est fondamental: pour ceux qui ont charge d'enseigner aussi bien que pour les institutions publiques, les voies de cette liberté ne sont pas celles de la théorie marquée au coin d'idéologie ; elles ne se situent que dans la perspective d'un accord, et plus encore d'un effort consenti en commun, comme si la tâche de notre temps était de préparer de « nouveaux et meilleurs contrats de liberté ».
Toute la question est de savoir si cet optimisme mesuré et la confiance en l'homme qu'il présuppose résisteront aux vagues de décadence qui menacent notre culture.