Date d'ajout : mercredi 19 août 2015
par D. ATTINGER
C'est un ouvrage quelque peu déroutant que Ph. Escolan offre à ses lecteurs : il entend parler du monachisme syrien non point à partir du modèle égyptien (dont il se distinguerait par un excès ascétique - ce qui en ferait une sorte d'excroissance marginale dans la vie ecclésiale), mais justement à partir de cet excès : "Les moines syriens se caractérisent tant par leur violence envers eux-mêmes que par leur violence envers les autres" (p. 1). Il se propose en outre de mettre en relation cette violence monastique avec l'âpreté des conflits ecclésiastiques en cette région du monde chrétien, non, comme on pourrait l'imaginer, dans le sens que la violence théologique a mené à la violence des moines, mais dans le sens inverse : "ce sont largement les moines qui sont à l'origine de ces troubles" (ibid.). Les ascètes forment en effet, face au clergé et aux autorités civiles, une intéressante contresociété, avec sa logique, son prestige et son discours propres. L'A. choisit ainsi de parler de ce monachisme "en se plaçant du côté de son discours, plutôt que de celui de l'Église institutionnelle" (p. 3).
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Ce livre est très documenté et affronte la question d'une manière certainement nouvelle - oÙ la sociologie joue un rôle important, mésestimé jusqu'à présent. Je regrette toutefois le peu de place et de poids qu'occupe dans cette enquête la spiritualité de ces moines syriens. Il m'apparaît un peu excessif de réduire presque tout à des jeux d'influence, de pouvoir et de prestige, ou à une concurrence entre les charismes, ou entre les charismes et l'institution. L'A. n’est-il pas aussi tenté, plus d'une fois, de tirer des conclusions généralisantes d'un ou deux cas particuliers ? Mais on ne pourra certainement plus - tout au moins pour un certain temps - parler du monachisme syrien sans tenir compte de cet ouvrage, ne serait-ce que par la provocation qu' il contient.
Une bibliographie sélective et deux index des noms de personnes et de lieux terminent cet ouvrage.