Date d'ajout : mardi 18 avril 2017
par Henri CROUZEL
BULLETIN DE LITTERATURE ECCLESIASTIQUE, 1982,2
L’Interrogatio Ioannis est un écrit apocryphe reproduisant des questions soi-disant posées par Jean l’Évangéliste à Jésus quand il reposait sur sa poitrine à la Cène et les réponses de Jésus. Démarquant nombre de textes évangéliques il reproduit les croyances des Bogo- miles, hérétiques dualistes bulgares et grecs du Xe siècle. Transmis aux Cathares de l’Italie du Nord et de la France méridionale en version latine - on ne sait si le texte primitif était slave ou grec - il a été un de leurs principaux livres. Edina Bozoky en donne ici une édition scientifique. Elle présente d’abord l’apocryphe, ses manuscrits latins et ses éditions antérieures, ses deux rédactions latines, ce que nous savons de sa provenance bogomile et de sa réception par les cathares, enfin le plan et le résumé de l’écrit. Elle reproduit ensuite avec apparat critique les deux rédactions latines et leurs traductions en français. Un important commentaire occupe la fin de l’ouvrage, environ les trois cinquièmes du livre. Il souligne ses rapports avec la littérature apocryphe et la littérature gnostique des premiers siècles et constitue une introduction très documentée aux doctrines des Bogomiles et des Cathares. Une imposante bibliographie et un index des mots latins terminent le volume.
L’éditrice définit l’Interrogatio « comme un apocryphe de caractère gnostico-dualiste, ayant des parallélismes avec quelques tendances du gnosticisme chrétien surtout au niveau de la structure générale de certains mythes et concepts, sans qu’on puisse affirmer pour autant l’origine gnostique de l’apocryphe ». Contrairement à certains écrivains récents elle ne craint donc pas de rattacher au gnosticisme le bogomilisme et le catharisme et il n’est pas question d’y voir l’influence de l’origénisme. Quelques rapprochements sont faits avec Origène et d’autres Pères de l’Église, mais ils sont tout à fait périphériques.
Quelques petites confusions, de peu d’importance. Les homélies attribuées à Grégoire le Thaumaturge sont inauthentiques (p. 153). Éphrem a écrit en syriaque, non en grec, mais il fut traduit très tôt en cette langue (p. 153). L’image de Marie concevant Jésus par l’oreille n’a pas nécessairement chez les écrivains ecclésiastiques un sens docétique : c’est une allusion à l’Annonciation, à la parole que l’ange apporte à Marie qui conçoit alors de l’Esprit Saint. Mais le sens docétique a pu être mis en relief par les Gnostiques.