Date d'ajout : lundi 01 février 2016
par I. H. DALMAIS
REVUE : LA VIE SPIRITUELLE, septembre 2000
L'Abbé émérite de St-Martin de Ligugé interroge depuis longtemps en philologue comme en spirituel, les vocabulaires au travers desquels les chrétiens ont tenté d'exprimer en mots humains quelque chose de ce que signifie pour eux l'expérience spirituelle. En ce nouvel ouvrage, c'est sur le caractère même de cette expérience et sur le terme expérience qu'il porte son enquête. Rassemblant quelques fruits d'innombrables lectures, il nous propose un recueil, un bouquet d'expressions - diverses selon les temps, les cultures - qui s'efforcent de dire quelque chose de ce qui, de soi, est indicible. En fait, si l'on peut reconnaître quelque homogénéité dans la moisson de textes et de références antérieurs au XIXe s., car on se trouve alors à l'intérieur d'une tradition chrétienne, il n'en va plus de même du dernier chapitre sur l'époque moderne. Si deux Abbés et une Abesse appartenant à la même famille bénédictine - celle de Solesmes - et deux témoins, Thérèse de Lisieux et Jean Paul Il, s'expriment au sein de la même tradition, il n'en va plus de même de beaucoup de ceux : philosophes, savants ou techniciens qui sont invités à apporter leur témoignage. Pour eux, pour nous les « modernes », l'expérience se caractérise par le fait d'être « vérifiable ». Or qu'en est-il de ce qui nous est rapporté de « l'expérience spirituelle » dont il est question dans les chapitres précédents ? Mystiques, théologiens ou tout simplement « chrétiens », ils témoignent d'une expérience qui n'est « vérifiable » que pour celui qui la vit.
On regrettera qu'en nous communiquant cette riche moisson de textes - une anthologie qu'on aura grand profit spirituel à fréquenter - l'auteur ne nous ait pas fait part des réflexions que leur diligente cueillette avait pu lui suggérer et de n'avoir pas attiré l'attention sur l'accent nouveau des spirituels du XVIIe s., et déjà des penseurs et spirituels de la Renaissance par rapport aux Pères, spirituels ou scolastiques des âges antérieurs, voire même de « l'expérience préchrétienne » de Cicéron à Sénèque. Mais remercions-le plutôt de nous inviter, par tant de beaux textes, à réfléchir sur le caractère de nos propres expériences spirituelles.