Date d'ajout : mardi 22 décembre 2015
par Hubert BOST
REVUE : ÉTUDES THÉOLOGIQUES ET RELIGIEUSES
Guillaume (ca 1085-1148), abbé de Saint-Thierry à partir de 11l9, fut un des grands théologiens cisterciens, presque aussi important que Bernard de Clairvaux. L'a. a choisi de lire intégralement l'œuvre du moine afin d'exposer ses prises de position doctrinales, mais aussi son expérience, « sa manière diffuse de vivre du mystère eucharistique » (13).
La 1re partie propose, à travers ses œuvres abordées chronologiquement, un parcours destiné à faire apparaître la « doctrine eucharistique » de Guillaume. Désireux de s'inscrire dans la lignée d'Augustin pour lequel « il faut célébrer de manière visible ce qu'il faut comprendre de manière invisible » (37), Guillaume commence à spéculer sur les rapports entre substance et accidents… mais le mot de transsubstantiation n'existe pas encore.
La 2e partie, « thèmes eucharistiques », s'attache à débusquer toutes sortes d'insinuations et de symboles que Guillaume développe en des écrits où la question du sacrement n'est pas au centre de son discours. Y sont successivement abordés les thèmes de la nourriture, du sacrifice et de la mémoire.
Dans la 3e partie, « itinéraire eucharistique », R. s'efforce de comprendre la signification du sacrement dans la doctrine comme dans l'expérience de Guillaume. Il n'est pas étonnant que, conformément à la mystique cistercienne de l'amour, Guillaume pense et ressente le sacrement comme un baiser. « Le Christ lui-même est le baiser promis à l'humanité par les prophètes » (310). Mais cette image ne renvoie pas seulement à l'incarnation ; elle désigne la Passion : « Lui qui est en sa personne même le baiser de la divinité avec l'humanité, c'est sur la croix qu'il se révèle radicalement comme celui qui vient embrasser tous les hommes. » (ibid.)
La richesse et l'audace des images auxquelles recourt Guillaume déconcerteront plus d'un lecteur. Mais Guillaume vaut le déplacement. Au-delà des réticences théologiques que l'on peut éprouver à l'égard d'une spéculation qui s'exprime en des termes datés - mais dont l'étude, fort bien menée, représente une contribution solide à l'histoire de la théologie médiévale -, on trouvera ici une méditation souvent profonde sur les relations entre Dieu et l'homme.