Date d'ajout : mardi 13 juin 2017
par Ch. MARTIN
NOUVELLE REVUE THÉOLOGIQUE, 1974, 2
Les études sur Sophrone, moine palestinien et finalement patriarche de Jérusalem, ont été jusqu'ici plutôt rares et, en tout cas, limitées. La présente monographie est bien, à notre connaissance, la première portant sur l'ensemble des aspects et des problèmes que soulève cette personnalité, la plus marquante peut-être à cette époque, avec Maxime le Confesseur, de l'orthodoxie chalcédonienne. Et c'est ce qui constitue son intérêt principal et sa valeur essentielle. Elle débute par une large description du monachisme palestinien aux Ve et VIe siècles, façonné par les exemples et les enseignements des saints Euthyme et Sabas. C'est de ce monachisme-là, franchement orthodoxe, que se réclamera Sophrone. Quoique né à Damas d'une famille syrienne, Sophrone s'était familiarisé avec la culture hellénique par ses premières études faites à Alexandrie. C'est là aussi qu'il fit la connaissance de Jean Moschus, l'auteur du Pré spirituel, ouvrage que d'ailleurs Sophrone complétera après la mort de son ami. C'est là encore qu'il ressentit les premiers attraits de la vie monastique. Il revint ensuite en Palestine et s'établit au monastère de Saint-Théodose, qui fut pour lui, à vrai dire, plus un point d'attache qu'une demeure stable, car son existence fut marquée par de nombreux voyages au Sinaï, en Égypte, en Palestine et même à Rome et à Constantinople, soit dans l'intention de mieux connaître les institutions monastiques, soit, surtout, dans celle de combattre le monophysisme et le monothélisme naissant. Sophrone se distingue par la fermeté de sa doctrine des deux natures, et surtout des deux volontés, divine et humaine, dans le Christ, ainsi que de leur synergie. On nous expose au long et au large les aspects trinitaires, christologiques et sotériologiques de cette doctrine fondamentale. Rentré à Jérusalem en 633, Sophrone fut choisi par le clergé et les habitants de cette ville, alors privée de pasteur, pour remplir les fonctions de patriarche. Déjà en ce temps se faisait durement sentir la poussée de l'Islam. En février 638, la métropole palestinienne tomba définitivement entre les mains du calife Omar, et c'est à Sophrone, alors vieillard de près de 90 ans, qu'échut la tâche douloureuse de la remettre entre les mains du conquérant. C'est peu après ces circonstances tragiques qu'il mourut. En plus de la carrière du saint, que l'A. éclaircit sur quelques points particuliers, en plus aussi de l'exposé de sa doctrine, la monographie contient la nomenclature de l'œuvre de Sophrone, œuvre à la fois théologique et pastorale, mais surtout pastorale. Le répertoire regroupe les œuvres authentiques, douteuses ou non authentiques, que la tradition a conservées sous le nom de Sophrone. Parmi les plus connues, sa Lettre synodale, quelques sermons, les miracles et le panégyrique des saints Cyr et Jean, la Vie de saint Jean l'Aumônier, quelques œuvres poétiques dont des tropaires. Signalons, enfin, la publication en traduction française du Prologue anonyme au livre du Nouveau paradis ou Pré spirituel, qui fait défaut dans plusieurs éditions récentes de cette œuvre de Jean Moschus. « Vie, œuvre et doctrine », ces trois mots nous paraissent résumer assez exactement le contenu de cette monographie consciencieuse, animée par surcroît d'une estime réelle pour les richesses spirituelles de l'Orient chrétien de cette période, peut-être trop peu connu , et estimé par la science occidentale.