Date d'ajout : mardi 04 juillet 2017
par M. GILBERT
NOUVELLE REVUE THÉOLOGIQUE, juillet 1973
Professeur à l'Université Notre-Dame d'Indiana, l'A. a présenté cette thèse à l'Institut Catholique de Paris. En étudiant la signification chez Philon des termes grecs eucharistein et eucharistia dans les différents contextes où ils apparaissent, J.L. apporte une contribution non négligeable à une meilleure intelligence de la pensée du maître juif contemporain du Christ ; il permettra également de mieux percevoir les points d'insertion de l'eucharistie chrétienne dans la théologie du judaïsme hellénistique. Le premier chapitre est consacré, comme il se doit, à l'étude du vocabulaire. Quel est l'usage du verbe eucharistein dans la littérature grecque, dans la langue de la LXX et de la Lettre d'Aristée ? Pour exprimer l'action de grâces, la Bible hébraïque utilise plusieurs mots que l'A. étudie ensuite, ainsi que leur correspondant grec dans la LXX, Philon retient la plupart de ces termes : l'A. le montre, avant de rassembler et d'analyser les emplois philoniens des deux termes qui font l'objet de sa thèse, eucharistein et eucharistia, Philon recourt à quelques images, comme celle de la mémoire, pour exprimer l'action de grâces, Cette étude terminée, l'A. oriente alors sa recherche dans trois directions, s'il est vrai que la portée exacte des termes n'apparaît qu'à l'étude de leurs contextes,
L'eucharistie philonienne est souvent liée à la liturgie, plus précisément à son aspect sacrificiel. Le deuxième chapitre met bien en lumière cet aspect important, peu connu jusqu'à présent. Certains sacrifices exigés par la Torah, tels que l'offrande des prémices, le sacrifice pour le salut, les holocaustes, ainsi que les fêtes du calendrier ont, pour Philon, une valeur eucharistique. Le sacerdoce lui aussi implique aux yeux de Philon une portée eucharistique : le grand-prêtre doit accomplir l'eucharistie que l'Alliance impose en quelque sorte à tout le peuple et c'est même au nom de toute l'humanité que le grand-prêtre la réalise. Pourtant la théologie philonienne de l'eucharistie s'attache surtout à deux aspects qui font l'objet des deux derniers chapitres, Tout d'abord, Philon relie à l'eucharistie ses spéculations cosmologiques et anthropologiques. L'invitation à rendre grâces pour l'univers et pour l'homme est fondée, chez Philon, sur la Bible plutôt que sur les philosophes grecs, et cette eucharistie cosmique culmine dans ses réflexions sur le grand-prêtre (cf. déjà Sg 18, 24 ; p. 146). Philon dépasse les thèses du vieux Platon du Timée et du jeune Aristote des dialogues perdus sur le dieu cosmique, en montrant leur insuffisance théologique, car elles ne parviennent pas à tenir la transcendance de Dieu, à qui s'adresse l'eucharistie, Enfin, il y a la doctrine spirituelle de Philon, son enseignement sur la vie spirituelle de l'âme et le développement des vertus ; ici encore, l'eucharistie est une charnière : c'est toute une théologie de la grâce que le penseur alexandrin développe en référence à l'Écriture. A propos de la note de la p. 198, je citerais Sg 8, 2. 9. 16, qui me paraissent donner à la Sagesse le rôle d'épouse du sage, même si cet aspect n'est pas l'unique ; ce rôle - c'est bien sûr une image -, la Sagesse le tient également auprès de Dieu : Sg 8, 3 : cf. C. LARCER, Études sur le Livre de la Sagesse, p, 410 (on ajoutera le nom de cet auteur dans la Bibliographie, p. 15 en bas). Cette étude, bien informée sur Philon et sur les meilleurs travaux scientifiques, ne manquera pas de retenir l'attention des théologiens. La présentation est claire et soignée ; on regrettera que l'index des références bibliques en reste au Pentateuque ; un index des passages philoniens cités fait également défaut.