NOUVELLE REVUE THÉOLOGIQUE, septembre 1973

Plusieurs travaux d'approche exécutés par Barnard au cours des récentes années ont préparé dans une certaine mesure l'ouvrage d'ensemble qu'il publie aujourd'hui sur la vie, l'œuvre et la doctrine de l'apologète Athénagore. L'essentiel de ces travaux a naturellement été intégré dans la nouvelle publication. Passée presque inaperçue chez les anciens et providentiellement conservée par une initiative de l'évêque Aréthas au Xe siècle, l'œuvre d'Athénagore n'a pas été non plus spécialement étudiée par les modernes. Une monographie comme celle-ci est donc a priori bienvenue. En ce qui concerne la Legatio aux empereurs, l'accord favorable des critiques s'est fait sur le nom d'Athénagore. Mais le De resurrectione est encore l'objet de controverses. Barnard ne peut se rallier aux raisons apportées par Grant contre l'authenticité et la date. Il est regrettable que son étude se soit trouvée terminée quand il a pu prendre connaissance des arguments complémentaires avancés depuis en faveur de la thèse de Grant par Schoedel, lors de son édition d'Athénagore (cf. supra, 860). Bref la controverse autour du De resurrectione ne paraît pas close. Un autre point, plausible certes mais discutable, nous paraît être le séjour d'Athénagore à Alexandrie, où il aurait enseigné. Cela rend assez aléatoire le cadre alexandrin qu'esquisse Barnard au ch. 11. Les deux œuvres d'Athénagore s'adressent aux païens. Ce sont par excellence des œuvres apologétiques, et c'est dans cette optique qu'il faut essentiellement les juger. Athénagore paraît aux yeux de Barnard avoir été le mieux équilibré de tous les apologètes dans l'assimilation de la philosophie païenne par un penseur chrétien. Mieux que Justin et Clément d'Alexandrie, d'une part, qui exagèrent, et que Tatien et Théophile, de l'autre, qui se montrent irréductibles, il occupe une position médiane qui sait s'adapter tout en préservant toujours l'intégrité du dogme chrétien. Même attitude, favorable en principe, mais tout aussi réservée et prudente, en ce qui concerne les sciences profanes (la médecine, p.ex.) qu'il sait utiliser à ses fins. Vu leur nature apologétique, on ne s'étonnera pas de ne rien trouver dans les écrits d'Athénagore sur Jésus (qu'il ne nomme même pas) ou sur des faits bibliques, même la résurrection du Christ. Par contre, ils contiennent, de façon voilée mais transparente, un nombre assez surprenant d'éléments théologiques qui permettent de soupçonner jusqu'à quel point cet auteur devait être imprégné de pensée et de vie chrétiennes (liturgique en particulier). B. a mis en relief un certain nombre de particularités doctrinales qui émergent de l'ensemble et font apparaître en Athénagore un théologien ouvert et parfois même précurseur (p.ex., dans le dogme trinitaire, où il échappe mieux que d'autres au subordinatianisme, en centrant davantage sa réflexion sur la vie intratrinitaire des personnes divines). Athénagore mérite donc plus que l'oubli relatif où il a été laissé jusqu'ici et il est heureux qu'il se soit trouvé quelqu'un pour nous le dire.