Date d'ajout : mardi 11 avril 2017
par C. BRUNEEL
REVUE D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE 2, 1984
Le témoignage que livre un réfugié à propos des pays qui l'accueillent est souvent plein d'intérêt. Le texte édité par Xavier LAVAGNE D'ORTIGUE, à partir du manuscrit conservé aux archives de l'évêché de St-Brieuc, confirme cette constatation : De la Bretagne à la Silésie. Mémoires d'exil de Hervé-Julien Le Sage (1791-1800). (Textes. Dossiers. Documents, 7. Paris, Beauchesne, 1983. In-8, 436 p., 5 cartes.). En 1777, à l'âge de 20 ans, le jeune homme entre chez les prémontrés de Beauport, la seule abbaye norbertine de Bretagne. Il y exerce quelques années plus tard la fonction de maître des novices, avant de se voir confier un ministère paroissial. Recteur et maire de Boqueho, Le Sage refuse de prêter serment à la Constitution civile du clergé. Sa tête est mise à prix. L'année 1791 est pour lui le début d'une vie errante, de la Bretagne à la Belgique (p. 105-199) via l'Angleterre, puis en Allemagne (p. 201-304), en Suisse (p. 305-348) et en Pologne (p. 349-419). Pendant près de trois ans, le proscrit se fixe dans les Pays-Bas autrichiens, dans différents monastères de son ordre. Grimbergen et Averbode sont ses résidences favorites. L'arrivée, en juillet 1794, des armées françaises le force à reprendre la route. Le religieux gagne la Rhénanie, la Souabe et, finalement, la Silésie. Il y demeure jusqu'à la signature du Concordat. Durant son séjour à Czarnowanz, pour répondre à l'insistance d'une chanoinesse norbertine, Maria Electa Reyberger, il s'applique à consigner par écrit ses pérégrinations, sous la forme de lettres fictives. L'édition de ces textes, présentée en 1970 à la Sorbonne comme thèse de troisième cycle, est précédée d'une introduction (p. 15-47). L'A. de celle-ci s'attache à y mettre en évidence, entre autres, la double valeur du témoignage de Le Sage : la présentation de faits vécus, mais aussi la vision et les idées d'un prêtre de la fin du XVIIIe s. à propos des grands problèmes de la vie. Du premier point de vue, l'historien belge sera très intéressé par les relations consacrées à son pays : caractère des Belges ; leur vie religieuse; portrait du clergé, notamment de Feller ; études menées par les clercs, l'université de Louvain ; les monastères et couvents, surtout de l'ordre de Prémontré ; les béguinages ; les kermesses… L'édition de ces lettres est naturellement munie d'un apparat critique. Malheureusement, il comporte certaines omissions et inexactitudes. P. 59, n. 3, l'ouvrage non identifié, dont le titre est Le Spectacle de la nature, est sans doute l'œuvre de N. A. Pluche (1ère éd., Paris, 1732-1750). Ces « entretiens sur les particularités de l'histoire naturelle » ont eu beaucoup de succès, ils connurent de nombreuses éditions. Pour les pages relatives aux Pays-Bas autrichiens, passons sur l'embarras manifeste face aux graphies anciennes et actuelles des toponymes à consonance flamande (par ex. p. 25 et p. 136, n. 45, Grimberg pour Grimbergen; p. 192, n. 127, Reekhem pour Rekem). P. 123, l'éditeur omet de redresser une erreur de l'A. : Érasme n'a pas été président du Collège des Trois Langues à Louvain. P. 133, n. 41, X. L. corrige Le Sage en soulignant que de Feller, présenté comme Luxembourgeois, « était en réalité belge ». À l'époque, le duché de Luxembourg était partie intégrante des Pays-Bas autrichiens! P. 182, n. 102, la maison religieuse de « Münster », au-dessus de Huy, est l'abbaye de Neufmoustier. Ibid., n. 107, contrairement à ce qui est affirmé, la population de Liège était loin de compter 80.000 habitants, mais plutôt 55.000. Pareilles imperfections sont d'autant plus regrettables qu'elles déparent un texte par ailleurs plein d'intérêt.