Date d'ajout : mercredi 11 novembre 2015
par Madeleine FABRE
REVUE : CENTRE PROTESTANT D'ÉTUDES ET DE DOCUMENTATION, 339, 2001
L’auteur de ce livre, dont les pages de couverture ne livrent aucun détail biographique personnel, est un spécialiste de saint Jean de La Croix, sur lequel il a écrit, dans la collection « Beauchesne Religions », plusieurs ouvrages. En Pascal il se plaît à trouver un chaînon d'une lignée spirituelle, concluant sa biographie par un essai qui s'appelle Plotin, Montaigne, Pascal.
En sous-titre de son Pascal, il choisit : « une ascension spirituelle » et c'est ce mouvement montant qui construit cc livre en quatre parties : le génie (1631 à 1646) ; le converti (1646 à 1652) ; puis les deux dernières (1652 à 1662) évoquent les dix dernières années qui sont marquées par de grandes souffrances physiques, mais aussi par l’illumination du Mémorial (25 novembre 1654 : Joie, pleurs de joie !). Ce qui frappe dans la présentation de cet itinéraire, c’est d'abord la constante utilisation de textes : lettres, mémoires, réflexions, notes, récits, provenant des témoins directs (les sœurs, Gilberte et Jacqueline, le neveu Étienne). Incorporés au récit, ils sont cités longuement avec des références.
Autre caractéristique : dans cette vision montante, on assiste à un effacement progressif de l'homme : l'enfant-prodige, génial en mathématiques, curieux de science et d'expérimentation, puis le mondain, fréquentant les salons, engagé dans les conflits idéologiques de l'époque, le journaliste masqué des Provinciales, tiennent peu de place dans cette évocation, tandis que s'impose la querelle du Jansénisme, et que les problèmes dominants des intellectuels sont religieux : le salut, la grâce, le refus du monde, la conquête de la sainteté, semblent prendre toute la place dans l'esprit de Blaise Pascal (vu par son biographe), que la maladie consume, qui prie pour découvrir « le bon usage des maladies ». (titre d'un de ses écrits), et pour à force d'humilité et de charité parvenir à la sainteté et se préparer a une « bonne mort »
Tous ces thèmes sont évidemment familiers à un auteur qui fréquente les grands spirituels, et cela nous vaut une belle analyse du Mémorial, auquel il donne une place centrale, mais l'amène à quelque peu sacrifier le Pascal qui est resté dans le monde, sans céder aux pressions de sa sœur Jacqueline, moniale de Port-Royal, à rejoindre les solitaires de Port-Royal et qui, jusqu'au bout, sur son lit de souffrance, était habité par un grand dessein : écrire son Apologie du Christianisme, destinée à convaincre les sceptiques, et dont il n'est resté que des fragments, réunis plus tard, après sa mort, sous le titre : Pensées. Ce Pascal-là, ses idées, son style, son humour, tout ce qui l'a inscrit au patrimoine littéraire du XVIIe français comme un grand écrivain, tient peu de place dans ce livre. Qu'on puisse encore aujourd'hui s'attacher à raconter Blaise Pascal d'une façon personnelle garde de quoi étonner, et prouve en tout cas qu'aucun biographe, même s'il s'est laissé interpeller, n'a eu de cet homme une vision complète, ni ne lui a pris tous ses secrets.