Date d'ajout : mardi 18 avril 2017
par I.-H. D.
INFORMATIONS CATHOLIQUES INTERNATIONALES, novembre 1982
La publication de ce dossier documentaire constitue un évènement, et cela à un double titre. Bien évidemment d'abord en raison de l’importance et de la gravité des questions qui y sont abordées. Comme le dit M.-J. Le Guillou au début de la postface : « Il nous situe au cœur de la grande mutation culturelle commencée au XVIIIe siècle et qui a trouvé une de ses expressions majeures dans la Révolution Française... Plus radicalement encore, ce dossier nous invite à comprendre la crise mennaisienne à la lumière de la difficile confrontation de l’Église et du monde qui s’inaugure avec les nouvelles conditions de l'information et de la propagande...»
Mais, « événement », cette publication l'est encore à un autre titre. C'est la première fois qu’il est donné d'avoir accès en leur intégralité - du moins pour autant qu'ils aient été conservés - aux documents qui ont préparé, accompagné et suivi la condamnation solennelle par un pape d'orientations doctrinales, puis de la personne de celui qui en était considéré comme le représentant et le propagandiste le plus influent.
Or, cette documentation conservée aux archives de la secrétairerie d'État - car le procès de Lamennais fut mené sous sa responsabilité et non sous celle proprement doctrinale du Saint-Office - montrent dans quel climat et sous quelles influences étaient lus les écrits du fondateur de L’Avenir. Il faut se réjouir grandement de ce que l’obstination du P. M.-J. Le Guillou et la confiance qu‘il rencontra de la part des papes Jean XXIII, Paul VI et Jean-Paul II comme de leurs collaborateurs les plus immédiats aient rendu possible cette édition menée avec la compétence et l‘acribie de l'historien, Lamennais dont il vient de mener à terme l’édition de la Correspondance (Paris. A. Colin, 7 vol. 1971-1981) par son frère, le professeur Louis Le Guillou.
Au travers des 246 documents conservés - sur les 251 que comportait le dossier original - nous suivons le développement et les retentissements de cette prise exceptionnelle de la conscience catholique, en France et à travers l’Europe au lendemain des révolutions de 1830 qui posaient avec une acuité nouvelle les questions de la légitimité du pouvoir des souverains, celle de la liberté de la presse, de l'enseignement et plus généralement de la liberté de conscience. Les tentatives de restauration conservatrice posées par la Sainte Alliance au nom de la tradition catholique s'en trouvaient ébranlées au premier chef. D’où l’émoi d'un Metternich et ses interventions répétées. Mais aussi la perplexité et les inquiétudes dont témoignent plusieurs des consultations théologiques, la campagne menée à l'instigation
de l'archevêque de Toulouse, Mgr d'Astros, par une large part de l'épiscopat français redoutant aussi bien le mécontentement d'un pouvoir auquel le liait le concordat que l'indiscipline du clergé.
Les nombreuses pièces justificatives que les éditeurs ont jointes à ce vaste dossier en facilitent grandement l'intelligence et en soulignent l'intérêt. Ce n’est certes pas un ouvrage de lecture aisée, mais à le fréquenter on entre dans le vit de problèmes qui, sous une forme différente, sont toujours les nôtres.