Date d'ajout : vendredi 08 janvier 2016
par ESPRIT ET VIE, janvier 1998
[…] Ce volume est une réimpression de textes parus en 1913 préfacée par P. de Laubier, professeur de sociologie à l'Université de Genève et membre laïc du Conseil pontifical Justice et paix.
Le premier de ces textes donne l'histoire des débuts de la Conférence saint Vincent de Paul, le second dû à Eugène Duthoit, qui fut président des Semaines sociales, présente la pensée sociale d'Ozanam.
Trois citations. La première à propos de la méthode de la conférence :
« N'introduisons la religion dans nos entretiens qu'au moment où elle y sera naturellement amenée (…). Craignons qu'un zèle impatient de faire des chrétiens ne fasse que des hypocrites » (cité p. 59).
La deuxième est pleine d'ironie sur certains laïcs lyonnais, ses compatriotes : « Gros bonnets de l'orthodoxie ; pères de conciles en frac et en pantalons à sous-pieds ; docteurs qui prononcent entre la lecture du journal et les discussions du comptoir, entre la poire et le fromage ; gens pour qui les nouveaux venus sont toujours les mal venus, pour qui tout ce qui arrive de Paris est présumé pervers, qui font de leur opinion politique un treizième article du symbole… » (p. 44).
La troisième rappelle le climat dans lequel vivait le catholicisme français. Il ne faut en effet pas oublier la violence des luttes d'alors : les catholiques qui se sentent attaqués n'en finissent pas de lutter « contre ». Il ne faut pas sortir Ozanam et son action du climat d'opposition qui caractérisait l'époque. Que de luttes ! Histoire exemplaire citée dans le texte réédité par Laubier. Un pasteur protestant confia la distribution d'une somme d'argent à Ozanam. Un membre de la conférence « crut faire preuve de largeur d'esprit en exprimant le vœu qu'après avoir prélevé la plus grosse part pour les familles catholiques indigentes, les plus nombreuses, on distribuât le reste entre des pauvres protestants ». La réaction violente d'Ozanam est immédiate : « Messieurs si cet avis a le malheur de prévaloir, s'il n'est pas bien entendu que nous secourons les pauvres sans distinction de culte, je vais de ce pas reporter aux protestants les secours qu'ils m'ont remis, et je leur dirai : reprenez-les ; nous n'étions pas digne de votre confiance » (p. 53).
Ozanam a été de son temps. Mais il est des manières d'être de son temps qui font qu'on transcende son temps. Cette histoire est la nôtre et non celle d'un passé sans lien avec notre aujourd'hui. C'est la meilleure raison de lire ces ouvrages.