Date d'ajout : vendredi 22 janvier 2016
par BULLETIN CRITIQUE DU LIVRE FRAN�AIS, avril 1998
Cyrille d'Alexandrie est connu des historiens du dogme pour son œuvre christologique. Homme fort du concile d'Éphèse (431), l'adversaire de Nestorius est le défenseur de l'unité du Christ contre tous ceux qui considéraient séparément sa divinité et son humanité. La théologie alexandrine, dont il est le plus éminent représentant, voit sans cesse le Verbe divin affleurer sous le visage de l'homme et dans le moindre de ses actes. Cette tendance porte-t-elle en elle, inévitablement, l'amoindrissement de l'humanité du Christ ? Répondre oui à cette question reviendrait à faire de Cyrille un prémonophysite. D'où, pour y voir clair, la nécessité de bien repérer ce qui fait la marque propre de sa pensée. C'est ce que fait, et fort bien, Bernard Meunier dans cette monographie. Pour B. Meunier, la question du salut est omniprésente dans les différentes œuvres de Cyrille : c'est une orientation générale, un cadre de pensée. Le Christ est avant tout le Sauveur, et l'homme, ou mieux, l'humanité est avant tout, à ses yeux, le sujet d'une histoire qui est l'histoire du salut. Aussi, la question du salut n'est-elle pas un détour pour la christologie, mais un passage obligé, la porte d'entrée elle-même. Un chapitre préliminaire présente la charpente de cette sotériologie : l'opposition Adam/Christ. D'où la première partie de l'ouvrage qui comprend deux sections : Adam et son œuvre (chap. 1 à 3), le Christ et son œuvre (chap. 4 à 5). Dans cette partie, le vocabulaire, les thèmes et l'exploitation théologique de la typologie Adam/Christ sont méticuleusement analysés. Au terme de cet inventaire, B. Meunier examine les modalités de réception du salut par chaque humain, en se demandant comment, dans cette réception, apparaît le rapport du Christ à l'humanité. Les chapitres 6 à 8 précisent les modalités selon lesquelles un nouvel état de la nature humaine, conséquence de l'œuvre du Christ, peut se transmettre à l'homme. Les chapitres 9 à 11 mettent en lumière ce que cette théologie du salut révèle sur le Christ de Cyrille, en particulier sur le statut de son humanité à partir du rôle qu'elle joue dans l'histoire du salut. Cette humanité, malgré ce qu'elle est d'unique, de non réitérable, donne concrètement accès à la vie divine. À cette humanité individuelle du Christ, il ne manque rien : le Christ est en tout point semblable à nous. Seul le péché est exclu de cette consubstantialité, à cause de l'immutabilité du Christ dans le bien. En partant d'une étude approfondie de la sotériologie de Cyrille, B. Meunier a dégagé un portrait du Sauveur où le facteur humain apparaît dans sa réalité indispensable et complète. Il aide ainsi à comprendre la pensée de Cyrille d'une façon renouvelée et nuancée. Son travail est une contribution d'une importance capitale à l'histoire de la christologie.