Date d'ajout : mardi 18 juillet 2017
par Éric JUNOD
REVUE DE THÉOLOGIE ET DE PHILOSOPHIE, 3, 1977
Le beau titre donné à cet ouvrage séduit et étonne tout à la fois. Comment ne pas se réjouir de trouver une étude patristique portant - une fois n'est pas coutume - sur un sujet aussi important et existentiel que la souffrance ? Mais en même temps comment ne pas être surpris de voir que c'est à Jean Chrysostome qu'une telle étude est consacrée ? La lecture du livre n'est pas parvenue à dissiper notre étonnement, bien au contraire. Elle nous confirme dans l'idée que ce que le patriarche de Constantinople a dit de la souffrance ne se distingue ni par son originalité philosophique et théologique, ni par la profondeur du ton. Les confidences de Chrysostome sur les souffrances qu'il a lui-même traversées dans sa vie d'homme et d'évêque sont malheureusement très rares. Pour le reste, les nombreuses remarques qu'il propose sur les causes de la souffrance, les moyens de la combattre et sa valeur positive sont toutes profondément marquées par le stoïcisme. Cette dépendance, bien marquée et étudiée dans cet ouvrage, est considérée par Novak comme un choix en bonne partie délibéré de Jean Chrysostome. Celui-ci transpose dans un climat chrétien l'enseignement stoïcien qu'il tient en haute estime. Ce faisant, il néglige quelque peu le lien existant entre la souffrance et le péché originel. De même il cache mal la gêne qu'il ressent devant la souffrance volontaire du Christ : il tend à considérer le Seigneur comme un nouveau Job, une sorte de modèle du juste souffrant. Enfin, il n'exploite que de façon insuffisante « l'idée de l'association à l'œuvre rédemptrice du Christ par la souffrance ». (p. 205). En corrélation avec ce dernier point, nous nous demandons cependant si Novak a suffisamment pris en considération les nombreux textes (homilétiques surtout) où Chrysostome identifie l'amour du chrétien pour le Christ à l'amour pour les hommes qui souffrent. En refermant cette étude érudite, mais où le drame de la souffrance est surtout compris comme un problème philosophique, on se prend à rêver que le témoin interrogé une prochaine fois soit Ignace d'Antioche, Origène, Basile de Césarée, Grégoire de Nysse ou Augustin !