Date d'ajout : mardi 22 août 2017
par Françoise HILDESHEIMER
REVUE D'HISTOIRE DE L'ÉGLISE DE FRANCE, LXXVI, 1990
« Il était dévot, grand prédicateur, et libre de dire la vérité. Il étoit le saint de la cour ; avoit toujours appelé la Reine sa bonne fille, et la Reine avoit toute sa vie marqué l'estimer infiniment. Le feu cardinal [Richelieu], quoiqu'il ne l'aimât pas, à cause qu'il étoit le bon ami de la Reine, ne l'avoit jamais voulu chasser, et avoit toujours quelque vénération pour sa vertu et pour sa barbe grise. » Cette description due à Mme de Motteville semble bien caractériser Philippe Cospeau (ou Cospean) né vers 1571 à Mons. Après des études universitaires à Louvain, puis à Paris, il se fixe en France où il sait s'attirer d'utiles protections qui lui vaudront une carrière ecclésiastique notable. Il est à peu près certain que Richelieu, alors qu'il se destinait à l'évêché de Luçon, étudia avec lui la théologie. Grâce au duc d'Épernon auquel il témoignera une fidélité sans faille, il devint évêque d'Aire en 1607, fut transféré à Nantes en 1621, puis à Lisieux en 1636; il meurt en 1646.
Sous un titre à la fois partiel et inexact, Émile Jacques a réuni les matériaux de la biographie d'un personnage dont l'intérêt va bien au-delà des relations qu'il a pu entretenir avec Richelieu ; ce fut l'un des évêques marquants de la Contre-Réforme française et il jouit d'une réputation certaine, notamment comme prédicateur. Malheureusement, Cospeau n'a guère retenu l'attention de la postérité et les zones d'ombre de sa biographie sont nombreuses. Il se situe dans un réseau complexe de relations, de clientèles et d'influences, où politique et religion sont, comme il était naturel, intimement mêlées et au milieu duquel, tant dans ses diocèses qu'à la cour, il a su affirmer sa droiture et sa vocation exclusive au service de Dieu. Avec lui, on touche à la plupart des grandes affaires de l'époque, tant son talent de médiateur et son équilibre de modérateur semblent avoir été reconnus et mis à profit. La nature de ses relations avec le cardinal-ministre s'en déduit : une fidélité réciproque qui n'exclut sans doute pas quelque méfiance vis-à-vis du « bonhomme », dont la simplicité et la franchise, ainsi que les relations avec la reine, d'Épernon ou les Vendôme, pouvaient paraître suspectes ; mais c'est Mazarin qui en 1643 renverra l'évêque de la cour.
Le travail méthodique d'Émile Jacques croise approches chronologique puis thématique ; une étude intéressante qui tire de l'ombre un personnage important, à la personnalité attachante, et fait le point de nos connaissances à son endroit avec une érudition dont le détail l'emporte parfois sur la clarté d'un exposé de synthèse (malgré cela, un tableau détaillé des sources aurait été le bienvenu).