Date d'ajout : jeudi 26 novembre 2015
par G. S.
REVUE : VIENT DE PARAÎTRE, 14, septembre 2004
Ces deux volumes d'essais et de conférences inédits d'Éric Weil (1904-1977) nous rappellent l'une des pensées philosophiques fortes du xxe siècle. Pour Éric Weil, qui s'inscrit dans le sillage d'Aristote, de Kant et de Hegel, la philosophie est à la fois dialogique (excluant donc le monologue) et historique en son essence. Elle n'a pas affaire à elle-même non plus qu'à la réalité comme nécessité, mais à son opposé, à partir duquel elle se comprend comme volonté raisonnable, raison volontaire, qui doit s'élever à elle-même en s'arrachant à la violence en laquelle elle risque toujours de se perdre à nouveau. La philosophie ne peut prescrire aux hommes et à l'humanité comment ils doivent agir ; elle peut seulement leur expliquer à partir de quel moment ils quittent la voie de la raison pour s'engager dans celle de la violence ; tâche d'autant plus urgente que cette violence se présente souvent dans nos sociétés sous le visage de la raison, de la justice, de l'ordre, de la morale et de la religion. Il en résulte que la grande question philosophique est celle de la liberté de penser et de la confrontation du sens et de la violence car, comme le monde est déjà structuré, cette violence est « inéliminable ». Il faut s'efforcer de la réduire par un discours cohérent. La philosophie parle de ce qui est pour la liberté, elle ne parle que de la réalité, mais d'une façon rationnelle. Toute liberté est en condition. Tel est le fil conducteur qui relie ces différents textes. Mais on ne peut aussi qu'être frappé par leur variété, qui contribue à faire la richesse de cette publication : la morale, la fin de l'histoire, la philosophie du droit, la dialectique hégélienne, les Lumières, la science et la magie, Héraclite, Rousseau, Kant, Nietzsche, Schopenhauer, Thomas Mann, le cas Heidegger, soulignent assez la multiplicité des intérêts philosophiques dont Éric Weil a toujours su faire preuve.