Date d'ajout : mercredi 11 novembre 2015
par M. DUPUY
Jean de la Croix a pu connaître l'œuvre de Plotin : « Il est certain que les Ennéades dont les éditions se succèdent, 1492, 1540, 1559, 1580, sont bien connues en Espagne au XVIe siècle » (p. 41). Et l'A. relève avec soin quelques expressions pouvant trahir une dépendance (p. 211, 214, etc.). Il procède à une comparaison attentive des termes, qui lui permet.de préciser de façon fort intéressante l'enseignement de l'un et de l'autre, nous évitant l'enthousiasme simplificateur comme le dénigrement injuste. Je doute que les notions modernes de « mouvement de la terre » (p. 79), de « corédemption »» (p. 86) et du respect par Dieu de la liberté humaine (p. 91) soient présentes à la pensée du Carme. Mais ce ne sont que détails qui ne nuisent pas à la solidité de l'ensemble. Le point névralgique est le rapprochement entre l'Un de Plotin et Dieu. A. B. va à l'essentiel en observant que chez Plotin « l'Un » est au neutre, tandis que Dieu est trinité de personnes. La pensée occidentale moderne est plus attentive aux relations qu'aux processions et à la trinité des personnes qu'à l'unicité divine, ce qui ne facilite pas l'intelligence du néoplatonisme. Il n'aurait pas été inutile d'en prendre acte et d'observer comment l'unicité divine est toujours confessée au Credo. Heureusement, la fidélité à Jean de la Croix conduit néanmoins A. B. à découvrir que le « Dieu de Jean, s'il inclut l'Un plotinien, le dépasse » (p. 228). Il n'était pas dans le propos de ce livre d'étudier les intermédiaires par lesquels la pensée de Plotin a pu aussi atteindre Jean de la Croix. Les deux ouvrages de J. Orcibal, La rencontre du carmel thérésien avec les mystiques du nord (Paris, 1959), et surtout Saint Jean de la Croix et les mystiques rhéno-flamands (1966) ne sont pas même signalés. Mais ce sujet eût été immense. Et on saura gré à A. B. d'avoir préféré s'en tenir à deux auteurs sur lesquels il est remarquablement clair et précis.