Date d'ajout : mercredi 19 août 2015
par Louis DEBARGE
REVUE : ESPRIT ET VIE, mars 1998
Cet ouvrage étudie les relations qui se nouent entre fidèles d'une même confession religieuse de part et d'autre d'une frontière. Le lien confessionnel généralement tenu comme facteur d'unité, ne cesse pas en réalité d'être tributaire de l'appartenance à une nationalité ou un espace culturel. On a beaucoup étudié dans une perspective œcuménique les relations des fidèles de confessions différentes au sein d'une même communauté nationale ou culturelle, mais on s'est moins intéressé aux effets d'une frontière (nationale ou culturelle) sur le degré d'identification à ses co-réligionnaires. Quel regard le chrétien de l'étranger porte-t-il sur son homologue de France ? Comment le chrétien de France reçoit-il l'image que ses co-religionnaires de l'étranger se font de lui ? Tel est l'objet de cette recherche, publiée avec le concours de l'Association française d'histoire religieuse contemporaine et sous la direction de Michel Lagrée, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Rennes II et de Nadine-Josette Chaline, professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Picardie. Ainsi se trouvent systématiquement confrontés les regards que se portent mutuellement les catholiques romains et les catholiques français, leurs suspicions et leurs incompréhensions dans les années 1950 (Jean-Dominique Durand), les images réciproques des catholiques suisses et des catholiques français (Francis Python), des luthériens français et des luthériens suédois (Christian Chanel), des catholiques français ct de leurs co-religionnaires espagnols (Jose Manuel Cuinca Toribio), des catholiques français et de leurs homologues d’Outre-Rhin.
De ces analyses comparatives il ressort qu'une multiplicité de facteurs interviennent dans la construction de la représentation dc l'autre. Le sentiment d'appartenance à une nation interfère avec celui d'appartenance à une religion et pèse, plus qu'on le n'imaginait, sur la représentation que l'on a de ses co-religionnaires.
La multiplication des voyages internationaux, la circulation des informations par voie de presse ou par la télévision semblent contribuer à élargir la perception d'appartenance à un même ensemble confessionnel, mais les croyants ne peuvent se soustraire à la pesanteur de l'identité nationale et pour eux les frontières jouent comme un facteur de sensibilisation à la différence modifiant la construction de sa propre identité. A une époque où se mettent en place de grands ensembles internationaux comme l'Europe, il n'est pas sans intérêt de scruter les phénomènes qui se produisent dans la zone de contact ou comme nous disons aujourd'hui à l'interface des appartenances nationale et religieuse. D'où les mérites d'une telle recherche.