Date d'ajout : mercredi 11 novembre 2015
par Guy SAMAMA
REVUE : REVUE PHILOSOPHIQUE, 4, 2002
Les six études réunies dans ce volume, parues dans des revues ou des volumes collectifs entre 1993 et 1997, étudient la question de la subjectivité là où elle a été généralement négligée : dans le domaine de la théorie du droit, plus spécialement le jusnaturalisme de Grotius à Leibniz. Une « autre voie de la subjectivité », car la voie la plus traditionnellement empruntée est celle du tournant cartésien au XVIIe siècle, déterminant l'ego comme sujet et comme pivot du développement de la philosophie moderne. A l'inverse, de Grotius à Leibniz, en passant par Hobbes, Cudworth, Pufendorf, Locke et quelques autres, une autre voie se construit, partant d'une subjectivation du droit pour aboutir à l'invention d'un sujet de droit. Dans ces conditions, les questions de l'identité, de l'ipséité et du sujet se trouvent liées à la détermination de la personne comme sujet.
Trois grands moments scandent le volume. La Synthèse éclaire philosophiquement et historiquement l'invention de la notion d'homme comme sujet de droit. Ce concept ne dérive pas, comme on le croit quelquefois, de la métaphysique cartésienne. Il est issu d'un mouvement qui, pensant le droit naturel comme qualité morale, dégage la notion de subjectum juris dans son sens moderne, enveloppant l'idée d'un être moral irréductible à tout physicalisme ou naturalisme. C'est Leibniz qui définirait ainsi les premiers linéaments d'un fondement intersubjectif de la théorie du droit. Les Trajets reconstituent certains moments du parcours, en examinant la constitution des concepts d'ipséité, de sujet et d'altérité dans le champ moral et juridique chez Cudworth, Locke et Leibniz. Cette constitution se réalise dans une relation ambivalente, à la fois de rencontre et d'opposition, avec celle de Hobbes. Enfin, en Parallèle, est étudiée plus spécialement chez Hobbes, à travers la définition nouvelle d'un droit de résistance comme droit subjectif, l'émergence d'une figure d'un individu comme sujet d'un droit de résister absolument inaliénable et absolument irréductible au pouvoir politique.
Synthèse, trajets et parallèle construisent ainsi, dans le courant intellectuel du droit naturel moderne, la voie pour un sujet qui ne serait pas replié sur lui-même, mais ouvert sur l'universel. Cette « autre voie de la subjectivité » au cœur de la modernité, serait en mesure de fournir les moyens conceptuels d'affronter et de surmonter le subjectivisme et le relativisme, que l'on considère souvent comme procédant en ligne directe de la figure du sujet moderne.