Date d'ajout : lundi 09 novembre 2015
par Jean-Marie MAYEUR
REVUE : REVUE D'HISTOIRE DE L'ÉGLISE DE FRANCE
Dans l'utile collection « Politiques et Chrétiens », Marcel Launay consacre un ouvrage à Robert Buron [Relevons quelques coquilles : Coste-Fleuret pour Coste-Floret, Perray pour Perroy… et une inexactitude : le MRP n'a pas fait aux élections de 1951 d'apparentements avec le RPF.]. Un portrait d'une centaine de pages précède un choix de textes et les témoignages de Pierre Pflimlin et Jean Offredo. Né en 1910, étudiant marqué par l'Action française, malade à Berck pendant deux ans, élève de la Faculté de droit et de l'École libre des Sciences politiques, R. Buron appartient, notamment par sa collaboration à Réaction de Jean de Fabrègues, aux « non-conformistes des années 30 », dont il partage l'anticapitalisme et la conviction d'une crise profonde de civilisation. Il entre au service d'organisations professionnelles, et adhère en 1938 aux Jeunesses démocrates populaires. Sous Vichy, il est secrétaire général du Comité d'organisation de l'industrie du cinéma, tout en participant aux activités de résistance du « groupe de la rue de Lille » autour d'Émilien Amaury. Dans ce cadre, il est le principal rédacteur des cinq Cahiers du Travaillisme français, de septembre 1943 à mai 1944. L'hebdomadaire Carrefour, fondé avec Émilien Amaury après la libération de Paris, en prend la suite. Membre du Comité directeur du Mouvement républicain populaire, député de la Mayenne en 1945, il accède dès 1949 à des responsabilités ministérielles. De 1949 à 1962, il participe à onze gouvernements. Il est ministre des Affaires économiques des cabinets Edgar Faure et René Mayer en 1952 et 1953. Se séparant de son parti pendant une brève période, il entre dans le cabinet Mendès-France, en charge de la France d'Outre-Mer. Favorable à une solution libérale en Algérie, il est ministre du général de Gaulle dès son retour au pouvoir, puis de Michel Debré. C'est à ce titre qu'il prend part aux entretiens secrets des Rousses, puis à la négociation des accords d'Évian avec les dirigeants du FLN algérien. Membre du gouvernement Pompidou, il en démissionne comme les autres ministres MRP après la conférence de presse du général de Gaulle de mai 1962, hostile à l'Europe supranationale.
Il prend alors du champ vis-à-vis de la politique et se préoccupe des problèmes du développement et du Tiers-Monde. Il s'associe aux initiatives du P. Lebret, préside le Centre de développement de l'OCDE. Cependant il ne se désintéresse pas de la politique française. Déçu par l'évolution du MRP et hostile à la fusion de celui-ci au sein du Centre démocrate, il fonde en décembre 1966, avec des personnalités de la gauche du MRP, « Objectif 72 ». Il retrouve le ton anticapitaliste de ses débuts. C'est au congrès d'Épinay de 1971 qu'il adhère au nouveau parti socialiste. Objectif 72 s'intitule désormais Objectif socialiste. Robert Buron, à l'écoute des mutations du temps, s'associe d'autre part à des réflexions sur les problèmes posés par l'évolution des sciences biologiques et sociales, quand la maladie l'emporte en 1973.
Ce profil était indispensable pour donner la mesure d'une personnalité originale, à l'itinéraire complexe. Discret sur sa foi, mais chrétien convaincu, lecteur de Maritain et Mounier, économiste marqué par les enseignements du catholicisme social, il incarne cette aile de la démocratie chrétienne qui, dans la fin des années 60, déçue par l'échec des politiques gestionnaires et le réformisme, se tourna vers le socialisme. Il définit celui-ci par la soumission de l'économique à la règle de l'intérêt général, renouant avec son travaillisme de 1944. La brièveté du livre, et, semble-t-il, les limites de la documentation, ne permettent pas à l'auteur d'aller aussi avant qu'on pourrait le souhaiter dans l'élucidation, suggérée par la collection, des rapports entre politique et christianisme. A l'inverse, mais ce n'est pas le propos de la collection, les aspects politiques ne peuvent être que suggérés. L'ouvrage a le mérite, tout en remettant en lumière une figure importante, d'inviter à des recherches ultérieures.