Date d'ajout : mardi 20 juin 2017
par P. G.
UNITÉ CHRÉTIENNE, 53, 54, FÉVRIER 1979
Commençons par les défauts, ou les faiblesses, de l'ouvrage. L'auteur aurait dû, à notre sens, donner un bref aperçu historique (ne serait-ce qu'à cause de la collection qui le publie) sur cette Église d'Antioche ou syrienne : syrienne orientale et syrienne occidentale. Jacques Baradai ou Narsai le Nestorien sont cités par allusion. On apprend par hasard qu'un certain Jean Sulâqâ s'est « converti » en 1552. Il manque un mot sur les liens entre la Syrie et l'Égypte (l'auteur mentionne que des laïcs syriens ont converti l'Éthiopie), d'où la faveur de Cyrille dans cette Église où se formaient des exégètes comme l'étaient les Nestorius, les Théodore de Mopsueste ! ... Et pourtant l'A. convient que les querelles christologiques ont pesé jusque dans le sujet qu'il traite (Cf. p. 96 à propos du choix de l'huile et du baume !).
L'autre reproche qu'on pourrait faire est que beaucoup de choses (excellentes!) dites par l'auteur appartiennent autant à son Église qu'à toutes les Églises. Qui ne pourrait souscrire à une phrase comme celle-ci : « A la Pentecôte, le Paraclet fait, sous un mode inédit, irruption dans le monde pour y recréer une humanité nouvelle et inaugurer le royaume eschatologique ... »
Mais cela dit, on ne peut qu'être d'accord avec l'auteur dénonçant les méfaits de la latinisation de son Église (voir notamment les pages 172, 180, 244) : l'imposition du célibat aux diacres, le « reflux » des laies de la vie liturgique et surtout ce déséquilibre de la théologie eucharistique occidentale, quand la communion n'en fut plus le point culminant, qui a tant pesé au moment de la Réforme et grève le dialogue entre les catholiques et les protestants d'aujourd'hui.
L'auteur apporte une documentation intéressante sur l'épiclèse et, en général, sur l'Esprit-Saint et les sacrements (sujet à l'ordre du jour des « Dombes »). Mais on peut dire que la grande richesse de l'ouvrage, ce sont ses citations abondantes de textes liturgiques, des anaphores, ou des Pères de l'Église
On trouve, par exemple, une citation de la Didascalie des Apôtres à propos de la Pénitence (p. 112) ; les catholiques qui ont engagé une grande réflexion sur le ministère de la Pénitence et de la Réconciliation trouveront, grâce à ce livre, dans la théologie et la pratique de l'Église syrienne des éléments pour enrichir leur dossier: le lien entre Pénitence et Eucharistie, la valeur pénitentielle de l'Eucharistie, l'absence de pénitence privée chez les Coptes ou les Chaldéens.
Enfin, le lecteur qui aura le goût et la patience d'entrer dans cette problématique particulière de l'Orient sera comblé ; il découvrira grâce à l'ouvrage (la latinisation de l'Église de l'auteur n'a tout de même pas tout détruit !) cette mystique particulière qui se distingue, croyons-nous, de notre spiritualité occidentale. En Occident, la spiritualité reste, toujours plus ou moins, affaire de sentiment et d'intelligence ; en Orient, l'Esprit s'attache aux choses et le croyant n'est jamais « désitué » de la Création. Ainsi l'A. parle de la « pneumatophorie » naturelle de l'eau, de son « aptitude » à l'Esprit pour sa transformation par celui-ci, en relation directe avec la régénération du néophyte par l'action de l'Esprit. Il faut pour comprendre cela se mettre à la mentalité orientale au risque, sinon, de crier, avec stupeur et stupidité, à la magie ou à l'idolâtrie!